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Vous avez dit « Bruxelles » ???
Le mot « Bruxelles » est très souvent utilisé dans les médias par facilité,
en particulier par de nombreux responsables politiques.
Ce mot – qui par ailleurs désigne une ville accueillante et à taille humaine
- révèle un éloignement entre les citoyens et les institutions européennes.
Alors que le niveau européen s’avère de plus en plus décisif, ce mot « Bruxelles
» montre que les institutions européennes sont illisibles. « Bruxelles », c’est
une nébuleuse lointaine.
La Commission européenne, en charge de la gestion quotidienne de l’Union
européenne, n’est pas le Parlement européen élu par les citoyens ou encore le
Conseil européen. Il est néanmoins bon de savoir de quelle institution l’on
parle précisément. Par exemple, le Conseil européen, composé des chefs d’Etat et
de gouvernement, donne les impulsions générales et a de grandes responsabilités,
notamment au plan budgétaire. Cela est très souvent oublié : le bénéfice
politique des décisions positives pour les citoyens est facilement accaparé par
les Etats-membres de l’Union et le tas de poussière des décisions difficiles est
renvoyé aisément par ces derniers sur « les technocrates de Bruxelles » de la
Commission.
Le sens de l’Europe ne va plus de soi aujourd’hui.
Je fais partie d’une génération dont l’un des arrière-grands-pères en 1870,
les 2 grands-pères de 1914 à 1918 et le père, prisonnier de 1939 à 1945, ont
été, hélas, impliqués dans de terribles guerres avec l’Allemagne. Grâce à la
construction européenne, comme d’autres personnes de ma génération, j’ai pu
échapper à de tels événements dramatiques. Et cela n’a pas de prix.
La paix ne suffit pas pour autant à donner un sens suffisant à l’Europe dans
un contexte de violence économique et sociale. Une Europe plus protectrice, plus
solidaire, donc plus forte, est plus que jamais une nécessité.
Pour cela, 3 pistes –parmi d’autres- me semblent essentielles :
1- Plus de pouvoirs reconnus à l’échelon européen en tant que communauté
politique, notamment en matière économique, fiscale, sociale et environnementale
avec, en premier lieu la lutte pour l’emploi et contre le chômage. Aucun Etat
européen ne sera à lui seul une puissance suffisante dans un contexte de
mondialisation. En revanche, l’Europe est incontournable et, à travers elle, les
Etats européens compteront dans le monde de demain s’ils savent s’en donner les
moyens.
2- Des avancées démocratiques. Il est indispensable d’accompagner des
transferts de pouvoir vers l’échelon européen par des mesures démocratiques
fortes. Pourquoi pas une élection directe du président de la Commission
européenne par les peuples eux-mêmes ? Pourquoi pas un autre mode d’élection des
parlementaires européens, que personne ne connaît aujourd’hui, entraînant plus
de visibilité et de proximité avec les citoyens ? Pourquoi pas une réelle
stratégie de contact avec le terrain de la part de la Commission européenne
alors qu’aujourd’hui les occasions de contact direct entre les fonctionnaires
européens et les citoyens sont rares? La culture du virtuel ne pourra fort
heureusement jamais remplacer les relations directes entre les personnes.
3- Des ressources propres et identifiables pour l’Europe sans alourdir la
somme globale de nos contributions individuelles. Ce qui serait pris en charge
au plan européen viendrait en substitution à une partie des impôts payés dans le
cadre national.
L’Europe peut devenir une vraie communauté de destin au service des
personnes, mieux ancrée sur les réalités locales, plus conviviale, et ainsi
tourner le dos à la nébuleuse « Bruxelles ». C’est notre responsabilité
collective.
Jean-Michel Boullier 15/05/2014 - Publié dans les éditions
d'Ouest-France, republié ici avec l'autorisation de l'auteur.
Des élections européennes bien inquiétantes en 2014
A la veille d'élections au parlement européen les forces anti-européennes et
populistes paraissent d'après les sondages avoir le vent en poupe, à tel point
qu'elles pourraient être capables de peser pour renverser le processus de
construction européenne. Pour les travailleurs et les militants impliqués dans
le fonctionnement du service public européen, il s'agit d'une menace immédiate
et d'un défi sérieux qui doit nous conduire à analyser avec humilité et
détermination les raisons de cet important mouvement d'opinion, à en identifier
clairement les causes et à proposer des remèdes, avant qu'il ne soit trop tard.
Et le temps presse pour éviter que les forces obscurantistes ne jettent à terre
sans ménagement et sans égard pour ses vertus l'édifice européen dans sa
totalité, et que la brutalité et l'arbitraire ne prospèrent sur ses ruines. En
raison de son approche critique, Le présent document pourra certainement être
considéré par certains, trop engoncés dans leurs petits privilèges
bureaucratiques et dans la vision béate et servile de l'Europe qu'ils inspirent,
et/ou obnubilés par des théories idéologiques en lieu et place de souci
d'intérêts des peuples, comme un réquisitoire contre l'Europe au nom de
l'intérêt égoïste des nations. Il n'en n'est rien! Bien au contraire l'auteur
est un farouche partisan de la construction européenne et partisan d'une telle
construction comme une façon pour les États européens d'exister en tant que
force autonome et comme une étape nécessaire dans un long cheminement vers une
gouvernance mondiale de l'humanité par elle-même. Mais encore faudrait-il pour
cela garder démocratiquement la main, et l'Europe est en train de la perdre par
manque de démocratie, mais aussi d'assertivité et de volonté de persister dans
son être et dans son modèle. Eh bien mettons les choses au point: il est tout à
fait possible, et même indispensable s'il on veut éviter la ruine du projet
européen, d'appartenir d'une part au monde européen, d'être un militant résolu
de la construction européenne, d'être un chaud partisan d'une amélioration
ambitieuse des conditions de vie des classes populaires, c'est à dire d'être de
gauche, et d'être partisan résolu de sanctionner sévèrement les grandes lignes
de la politique européenne menée depuis une vingtaine d'années. Il est tout à
fait possible et louable d'être résolument pour l'Europe et farouchement contre
la politique européenne.
La faute à la crise:
Si les institutions européennes semblent donc faire actuellement l'objet d'un
véritable rejet d'une part significative et croissante de l'opinion publique
européenne, c'est bien entendu qu'en dépit des promesses angéliques liées à la
mise en place de l'Euro, du marché unique et de son ouverture à la
mondialisation, une crise économique tenace et délétère sévit en Europe. De plus
il n'est pas exclu que cette crise dont l'Europe a eu depuis quelques années le
triste monopole en termes de croissance, puisse constituer l'épicentre d'une
crise mondiale dont les pays émergents ressentent aujourd'hui les premières
turbulences. Mais chez nous en tout cas, cette crise n'est pas une abstraction
chiffrée, elle est d'ores et déjà ressentie dans leur chair par nos citoyens:
revenus rognés, voire amputés, explosion du chômage en particulier chez les
jeunes, rigueur sur tous les budgets, austérités imposées au niveau public, au
niveau des entreprises, comme au niveau des ménages, mobilité obligée, voire
expatriation, parfois indispensables pour échapper à la menace du déclassement,
de la pauvreté, de la misère, sans compter ceux, toujours plus nombreux qui
sombrent dans ce terrifiant maelström... Avec un monde du travail sous pression
croissante, pour lequel le discours officiel lancinant sur les promesses de
récompenses de la compétitivité, de la flexibilité, de la "proactivité", de la
mobilité, de l'adaptabilité, est en contradiction flagrante avec la brutalité
des délocalisations expéditives et autres réductions drastiques de personnel
et/ou de capacités de production... Avec des classes moyennes mises en lambeaux,
soudain réveillées sans ménagement de la tiédeur de leur confort individualiste
par la montée de la marée glaciale de la pauvreté...
Un déni de démocratie:
Un sujet de mécontentement supplémentaire, pour les citoyens européens,
consiste en un sentiment profond non seulement de déficit démocratique, mais de
déni pur et simple de démocratie. Car si les élections au parlement européen
sont souvent l'occasion pour les électeurs d'envoyer un avertissement sans frais
aux gouvernements nationaux en place, c'étaient jusqu'à présent pour les députés
européens des élections sans bilan. En l'absence d'une majorité claire et d'une
opposition assortie, avec un exécutif européen qui définisse une politique
claire à mettre en œuvre sous l'autorité d'un seul homme désigné et surtout
révocable par le parlement, comme c'est le cas pour un gouvernement national, le
positionnement des députés européen est illisible car il s'éparpille suivant la
diversité des propositions soumises au vote parlementaire. Par conséquent le
citoyen est incapable d'estimer pour qui il doit voter s'il veut sanctionner la
politique européenne, ce qui est malheureusement le cas de la plupart des
citoyens européens. Or si ce droit peut paraître aux beaux esprits une
simplification outrancière, il est pourtant une condition indispensable au
fonctionnement d'une démocratie, son dernier carré. Un geste significatif (mais
bien tardif...) dans ce sens a enfin été fait dans le cadre du traité de
Lisbonne, en soumettant à compter des prochaines élections la désignation du
président de la Commission Européenne et des Commissaires au vote du Parlement
Européen, qui pourra aussi faire tomber la Commission en cours de mandat. Voilà
qui assure un vrai débat sur le projet, mais l'autorité conférée au Président de
la Commission sur ses Commissaires sera-t-elle suffisante pour assurer la
cohésion démocratiquement requise pour juger le bilan? Il est permis d'en
douter. Bref, jusqu'à présent la bureaucratie a ainsi prospéré à l'abri des
électeurs avec son cortège de mesurettes trop complexes proposées par de hauts
fonctionnaires souvent pleins de bonnes intentions, mais surtout soumis à la
pression incessante des lobbys plutôt qu'à l'épée de Damoclès d'une sanction
démocratique sur la Commission. Et l'élargissement des compétences européennes
s'est ainsi accompagné d'un transfert progressif de ces compétences depuis la
sphère démocratique, nationale, vers la sphère bureaucratique, européenne. Or la
pression constante des lobbys conduit naturellement à une politique
ultra-libérale puisqu'elle laisse libre cours à l'influence des plus puissants
économiquement. L'opposition naturelle des citoyens à une politique dominée par
les intérêts des grands capitaux n'a donc pas pu s'exprimer par un vote de
sanction en faveur d'oppositions constructives à la politique européenne. Elle
n'a pu s'exprimer qu'à travers une opposition bornée aux institutions
européennes et à l'Europe, ce qui a renforcé considérablement les partis
anti-européens et populistes, avec leurs recettes simplistes comme la sortie de
l'UE, qui est d'ailleurs à l'ordre du jour en Angleterre, et probablement pas
seulement...
Le réveil européen des vieux démons endormis:
Mais au delà de l'expression électorale, la colère de toutes ces victimes
flouées par les promesses fallacieuses d'un avenir européen proclamé radieux par
anticipation et puis privées de la possibilité de les sanctionner par un vote
d'opposition constructif, ne peut qu'exiger des boucs émissaires et leur
immolation (plus ou moins symbolisée), à défaut des capacités de réflexion
requises pour identifier causes et responsabilités réelles dans le canevas
bureaucratique, capacités de réflexion d'ailleurs trop engourdies par l'hypnose
médiatique qui vise et réussit brillamment, de l'aveu même de ses animateurs, à
transformer la communauté des citoyens en foule de consommateurs... Les
fonctionnaires européens et leur service public pourraient bien constituer
d'excellents boucs émissaires pour cette foule bornée qui est en train de se
constituer. Et ils ne seront probablement pas les seuls, car une fois réveillés
ses vieux démons destructeurs, une telle foule a naturellement tendance à
adopter les mêmes victimes expiatoires emblématiques que par le passé... Déjà
les premiers remous antisémites de masse éclaboussent aujourd'hui le navire
européen. Il faut impérativement s'attaquer sérieusement à ses avaries,
préalablement identifiées sans aucune complaisance, avant que le niveau de
colère populaire ne dépasse trop la côte d'alerte déjà atteinte. Et cette tâche
nous échoit à nous militants de la construction européenne, au premier chef. Car
sinon, en cas de naufrage, en cas de rage, faute d'avoir usé assez tôt de l'arme
de l'esprit critique, l'âpre critique des émeutes et des armes pourrait bien la
remplacer. Et nous en porteront la responsabilité collective. En effet, il faut
bien garder à l'esprit que la démocratie est certes lourde et coûteuse à
assurer, qu'il est bien commode d'en présenter au peuple des ersatz, mais qu'à
terme seule sa forme réelle est le moyen de substituer durablement la sanction
électorale à l'émeute, justement!
L'élargissement au pas de charge:
Autre cause de courroux, autre déni de démocratie: le passage en force qui a
été utilisé pour les élargissements successifs: il est proprement stupéfiant de
les avoir conduit à marche forcée sans avoir recueilli démocratiquement
l'approbation des peuples déjà membres! Et bien entendu cela n'aurait pas pu
aboutir en donnant les mêmes droits et les mêmes devoirs à ceux qui tombaient de
la dernière pluie d'Europe qu'à ceux qui descendaient de ses neiges d'antan! La
raison voulait qu'on applique la méthode d'intégration des cercles concentriques
ou plutôt des spirales concentriques, permettant d'élargir sans entraver, ne
serait-ce que partiellement, l'approfondissement des liens des plus anciens
assurant le leadership. Bien entendu cela aurait conféré aux anciens États
Membres un avantage dans le choix des voies et du rythme d'intégration, du moins
tant que les suivants n'auraient pas rejoint leur cercle au prix d'alignements
exigeants. Mais pourquoi les anciens n'auraient-ils pas engrangé la moisson de
leur primauté d'initiative? Au nom de quel principe les suiveurs, avec parmi eux
des éléments notoirement rétifs, devraient imposer une direction et un rythme à
ceux qui menaient jusque là la course en tête? De plus, une telle méthode
concentrique aurait permis d'arrimer rapidement , ne serait-ce que
symboliquement dans un premier temps, la Turquie a l'Europe (et l'Ukraine, ainsi
que le Maroc, entre autres), en lui conférant seulement beaucoup moins de droits
et de devoirs qu'aux pays justifiant de plus d'obligations à l'égard du cahier
des charges de l'intégration. Mais au lieu de cela, tout en laissant Turquie,
Ukraine et Maroc totalement hors du navire, on a choisi de violer le
consentement des peuples déjà membres pour l'adhésion sans restrictions des
nouveaux membres dont les migrations des citoyens sont d'ailleurs une des
raisons majeures invoquée pour décider les anglais à sortir de l'Europe. Quel
résultat brillant!
Nous avons jusqu'à présent examiné les vices de forme de la construction
européenne, forme déjà fort dommageable à son avenir, mais le fond de l'affaire
n'est malheureusement guère plus brillant!
Le sabordage du marché commun par abus idéologique du libre-échange:
Les pays d'Europe occidentale ont mis des siècles, souvent au prix de luttes
sociales héroïques et de déchirements politiques, pour construire un marché
intérieur basé sur l'existence d'une large classe moyenne bien rémunérée et
instruite qui incarnait la substance et l'esprit de progrès industriels et
sociaux sans comparaison sur la terre entière. Tel un défi de l'intelligence et
de la civilisation à l'exaltation de la haine sociale érigée comme vertu, le
développement d'un tel marché intérieur et d'une telle classe moyenne ont permis
à l'occident d'échapper dans un premier temps, moyennant un protectionnisme qui
limitait la concurrence internationale, grâce surtout à l'induction d'un progrès
technique de productivité et au moteur de consommation et de relance qu'ils
constituaient, à la fameuse malédiction marxiste de baisse tendancielle du taux
de profit, aux révolutions qu'elle a suscité et aux régimes totalitaires qui les
ont suivi. Ces progrès, et la démocratie induite qui s'est développée dans les
pays occidentaux (peut-être d'ailleurs par peur de la montée en puissance des
régimes marxistes), ont permis d'atténuer considérablement la brutalité de
l'exploitation sauvage des classes défavorisées par les possédants. Cela s'est
traduit par l'introduction progressive de coûteux droits sociaux, comme les
congés payés, la sécurité sociale, les allocation familiales et autres bourses,
les pensions de retraite et la gratuité de l'éducation, qui rapprochaient
considérablement les classes laborieuses des conditions de vie de la classe
moyenne et les mettait à l'abri des aléas de la vie tout en leur donnant accès à
la culture et à la connaissance. Puis, après des siècles de haine et de guerres
endémiques en Europe, le miracle de la construction européenne s'est produit, la
dépassement des égoïsmes nationaux et la mise en commun des marchés intérieurs
ont fait tomber les frontières intérieures européennes occidentales et auraient
pu et dû inspirer une approche généreuse et fructueuse d'un mondialisme
humaniste. Pour cela une démarche pragmatique et progressive était indispensable
pour lever très progressivement les barrières douanières en obtenant des
contreparties sur le plan social et démocratique et en prenant garde de be pas
affecter le marché intérieur qui était le véritable capital de l'Union.
Mais cette voie n'a pas été suivie et là s'arrête la magie de Noël pour la
jeune Europe, quand la fée Carabosse, arrivée tardivement sous la forme des
accords de libre-échange, impose à tout crin le libéralisme sous ses formes les
plus intransigeantes... Quand les généraux félons de notre économie expédient
ses braves trouffions, les travailleurs, sur le chemin des dames de la
précarité... Bons courage les ptits gars! Les ptits gaz oui... Il faut dire que
le développement des acquis sociaux atténuait un peu trop la séparation des
classes sociales aux yeux des possédants, qui voyait donc leur pouvoir menacé et
leur part des revenus diminuer. Il leur fallait réagir et ce fut l'objet de la
théorie économique néo-libérale du choc ~choc pétrolier choc terroriste choc
économique choc guerrier choc épidémique choc des civilisations: tout es bon
pour faire peur, pour saisir le clampin et lui faire avaler la saignée, bonne
médecine ultra-libérale~ dont les effets ne manquèrent pas de se faire sentir
jusqu'en Europe. Paradoxalement, celui qui a gravé ces recettes dans notre chair
sous forme de traités, le signataire européen des accords du GATT et de l'OMC,
n'est autre que Pascal Lamy, un social-démocrate bon teint proche de François
Hollande, rapidement récompensé en 2005 par le poste de Directeur Général de l'OMC
qui lui permit de mettre en pratique les accords dont il avait scellé notre
destin. La proximité de Lamy et d'Hollande éclairerait, s'il en était besoin, la
marche triomphale de cette tendance crypto-libérale de la social-démocratie
française, qui tout en assurant la main sur le cœur vouloir tout faire pour
préserver les acquis sociaux et combattre le pouvoir financier international,
impose machiavéliquement un cadre international qui implique mécaniquement la
destruction de tous nos acquis et la suprématie absolue de ce même pouvoir
financier. Elle bénéficie de ce fait des soutiens ingénus, mais pas toujours
explicites, de certains mouvements sociaux revendicatifs qui apprécient les
prises de positions publiques purement formelles en leur faveur et les prébendes
dont l'establishment les gratifient, et des pouvoirs financiers qui savent très
bien quelles sont les funestes conséquences du libre-échange pour le monde du
travail, et les bénéfices qu'ils peuvent en tirer. Ce double soutien garantit au
courant crypto-libéral une bonne part du pouvoir politique. L'explosion des
profits vis à vis des salaires, les conditions magnifiques offertes au "CEOs" en
sont les résultats les plus positifs, pour les "happy fews" du moins... Car pour
la grande majorité des autres, c'est l'inverse qui se produit, c'est le dumping
social, ce sont les licenciements, l'endettement, les impôts confiscatoires, le
chômage, la suppression progressive de tous les avantages sociaux, etc.... Et
tout cela au nom de la concurrence avec des pays sans commune mesure avec
l'Europe en matière de droits et d'avantages sociaux, très inférieurs en la
matière et qui de plus disposent d'une réserve quasi-illimitée de travailleurs
potentiels conservés bien au frais dans la misère, ce qui exclut de pouvoir
atteindre un rééquilibrage dans le futur prévisible, avant que l'Europe ne soit
mise à terre.
Il est remarquable que le suicide socio-économique européen consistant à
ouvrir soudainement et tout grand nos portes aux produits industriels des pays
dits "émergents" soit accueilli par des acclamations non seulement par les
patronats trop contents de pouvoir investir dans des pays ou le coût de la
main-d'œuvre est ridiculement faible ou importer des produits à bas prix, mais
aussi par les tiers-mondistes patentés pour célébrer la revanche des pauvres
peuples exploités contre les infâmes occidentaux enfin précipités aux enfers
pour expier leur péché originel de réussite. Quelle revanche en effet: nous
serons tous grillés à petit feu au même brasier de misère!
Il faut dire que les dégâts économiques de ce big bang libre-échangiste
symbolisé par la création de l'OMC ont été occultés pendant un dizaine d'années
par l'endettement vertigineux contracté dans cette période, endettement qui
remplaça partiellement les revenus en chute libre pour les ménages et pour les
États européens. D'où la formidable incitation de tous les rouages de
libéralisme pour pousser ménages, entreprises et États à s'endetter toujours
davantage depuis les années 90. Et une fois l'endettement dressé il emporte sans
rémission toute velléité de redressement... À noter que le replacement des
revenus par des dettes n'était pas le mobile subjectif des divers agents de
cette gigantesque prestidigitation, mais c'était leur fonction objective, telle
que créée par le besoin général de liquidités et la chute des recettes. Le
besoin général crée la fonction sociale globale, et la fonction crée (ou
utilise) les organes sociaux dont les mobiles subjectifs pour agir peuvent
n'avoir rien à voir avec la fonction ni avec le besoin. En l'occurrence cette
fonction d'endettement était purement dilatoire, car bien entendu cette démarche
ne pouvait se traduire, après quelques années, que par des cessation de paiement
ou faillites des États, des entreprises et des ménages concernés... D'où la
crise des "subprimes" et celle des PIIGS, sans parler du niveau d'endettement
effrayant des entreprises européennes ni des autres États européens. Le cas des
USA était légèrement différent, dans la mesure ou par voie d'escroquerie par
titrisation, ils réussirent à faire payer à l'épargne européenne une bonne part
de la dette de leurs ménages, et que de plus chez eux l'usage de la planche à
billet tient en partie lieu d'endettement de l'Etat... Leur situation n'est donc
pas aussi grave d'autant plus qu'ils pratiquent un protectionnisme dissimulé et
que leur degré de civilisation sociale laisse pour le moins à désirer.
D'ailleurs, en général tous les pays trichent sur la base de standards
arbitraires de façon à éviter de laisser la concurrence détruire leur industrie
jusqu'au cœur de leur marché intérieur. Il n'y a que l'Europe qui, au nom d'une
idéologie absurde dont nos dirigeants européens sont devenus les véritables
hérauts, impose à ses États Membres de pratiquer béatement et en toute honnêteté
naïve la gymnastique suicidaire du libre-échange à outrance! Il faut croire
qu'en l'absence de service pan-européen de contre-espionnage (pardon de
contre-intelligence) et compte tenu de la fragmentation nationale (c'est un
euphémisme) de ce type de services en Europe, l'infiltration facile permet
probablement aux agents d'influence extra-européens d'y atteindre des niveaux
très élevés qui rendent redoutablement efficace leur travail de sape...
Le corset disciplinaire de la monnaie unique:
Un autre facteur est venu précipiter la chute d'une Europe triomphale dont
nul, parmi les États membres hypocrites, ne voulait au fond: l'utopie de la
monnaie unique pour des pays très disparates économiquement et sans transfert
massif de liquidités des pays européens riches vers les pays européens moins
performants en matière de croissance. Mais à-t-on jamais vu des seigneurs
féodaux s'unir spontanément pour se soumettre à une monarchie dotée d'une réelle
souveraineté?
Dans un pays digne de ce nom, l'impératif catégorique de cohésion nationale
impose que les régions riches redistribuent massivement leurs revenus pour
maintenir les modes de vie des régions pauvres suffisamment proches du leur pour
éviter des exodes systématiques avec désertification humaine des zones pauvres.
De plus les lois sociales et économiques sont très proches d'une région à
l'autre au sein d'un même pays. Mais bien sûr la redistribution économique
intra-européenne est proportionnellement sans commune mesure, bien inférieure à
celle rencontrée à l'intérieur d'un pays. Il suffit de considérer les budgets
européens et nationaux pour s'en assurer. Et chacun connaît la disparité
saisissante de prélèvements obligatoires et de droits sociaux en Europe... Or
ces deux éléments, redistribution massive et cohérence des prélèvements et
droits sociaux, sont une condition sine qua non de la viabilité d'une monnaie
unique, et certainement pas sa conséquence. En d'autres termes, n'en déplaise à
nos démiurges économiques, on ne peut pas mettre la charrue avant les bœufs! En
l'absence d'une monnaie unique, c'est à dire en présence de monnaies distinctes,
les pays qui progressent le plus en productivité voient les capitaux
d'investissement affluer et la demande de leur monnaie augmenter, ce qui fait
qu'elle s'enchérit vis à vis des pays devenant relativement moins performants,
dont la monnaie se déprécie symétriquement. Par conséquent, les habitants des
pays devenant plus performants deviennent plus riches rien que par le seul
enchérissement de leur monnaie, et les autre plus pauvres rien que par
dépréciation de leur monnaie. Mais du fait de cette dévaluation naturelle des
pays plus pauvres, leurs économies de pays devenant relativement moins
performants gagnent en compétitivité monétaire, ce qui permet d'éviter la
destruction pure et simple de leur tissu économique. Ils s'appauvrissent
relativement mais survivent économiquement. En l'absence de ce mécanisme
d'ajustement monétaire (ce qui est le cas quand plusieurs pays ont la même
monnaie comme en Europe), les pays devenant relativement plus performants, comme
l'Allemagne, conservent une compétitivité monétaire qui maintient leur
travailleurs à un niveau de richesse inférieur à ce à quoi ils pourraient
prétendre, ce qui fait qu'ils sont privés des fruits de leurs efficacité, et
parallèlement le tissu économique des pays devenant moins performant est
purement et simplement détruit par la concurrence non compensée par une
dévaluation assortie. Bien sûr on pourrait compenser cette funeste tendance par
des redistributions massive de revenus à travers l'Europe, mais une telle
redistribution est incompatible, non seulement avec les dogmes libéraux de nos
élites, mais surtout avec la faiblesse budgétaire européenne au regard des
budgets nationaux, et avec la fragilité politique qu'illustre la pusillanimité
des dirigeants de l'UE vis à vis des marchés, due à leur insuffisante légitimité
puisqu'elle repose non pas sur des élections-sanctions avec un véritable enjeu
majorité-opposition mais sur des traités alambiqués assortis de consensus ou de
compromis internationaux boiteux. Donc pas de compensation, et en lieu et place
l'écroulement des économies évoluant défavorablement... C'est le jeu de massacre
auquel nous assistons depuis l'avènement de l'Euro et qui continuera jusqu'à son
naufrage, atténué seulement par les prêts chimériques, sans espoir de retour et
donc à fonds perdus, consentis par la communauté aux pays évoluant
défavorablement... Avec quel espoir? Que les grecs se mettent miraculeusement à
fonctionner comme des allemands? Autant espérer que tous les allemands adopte le
Sirtaki comme pas de danse national...
Compte tenu du droit à la libre circulation des travailleurs instituée en
Europe, le jeu de massacre de désertification décrit plus haut induit des
mouvements de migrations massifs au sein de l'union, mouvements qui a leur tour
alimentent les sentiments xénophobes cultivés par les partis populistes et sur
lesquels ils prospèrent.
Là encore, tous comptes faits, le désastre est causé par une utopie, celle
suivant laquelle on pourrait adopter une monnaie unique sans disposer des
attributs essentiels propres aux États dûment constitués, à savoir un haut
niveau d'intégration politique, économique et social. En s'imaginant à tort que
la monnaie unique pourrait les induire, on met, répétons haut et fort, la
charrue avant les bœufs et la caravane ne peut plus passer, que les chiens
serviles aboient ou non... Les loups quant à eux, se contentent de hurler, dans
un premier temps du moins...
Un pronostic bien sombre:
Les avaries du navire Europe sont donc sérieuses. Il s'agit même de
véritables trous dans la coque, en particulier en ce qui concerne le fond, à
savoir la politique de libre échange à outrance et l'Euro comme monnaie unique
sans possibilité d'adaptation monétaire. Les sociaux-démocrates et la droite,
pareils aux Dupont et Dupond, se chamaillent pour savoir s'il faut pousser les
machines (position des sociaux-démocrates pour la relance) ou s'il faut réduire
l'allure (position de la droite pour l'austérité) du navire. Quel belle
alternative! La relance européenne profite aux pays émergents tandis que
l'austérité mène l'Europe à la récession. Choisir une branche de l'alternative
plutôt que l'autre influencera seulement l'endroit ou le bateau Europe coulera,
sans changer beaucoup le moment ou cela se produira. Ce qu'il faut c'est
colmater les brèches de la coque du navire Europe plutôt que d'accélérer ou de
ralentir ses machines. Mais curieusement, nos élites ne veulent pas se salir les
mains à ce colmatage... Le naufrage... est donc inévitable!
Pourtant des solutions existent:
L'enjeu réside précisément dans la capacité ou l'incapacité de l'esprit
humain, quel que soit la forme d'organisation qu'il adopte, de reprendre les
manettes de commande de notre propre développement, en les arrachant au golem
sans âme, au marché, qui les a usurpé. Quand on mesure à l'aune de résultats
calamiteux qu'on fait fausse route, droit sur les récifs, il faut avoir le
courage de changer de cap et si nécessaire de faire marche arrière. C'est
précisément le cas avec les accords excessifs de libre-échange. Il faut donc
rétablir, avec mesure mais aussi avec détermination, des barrières douanières
qui protègent les acquis sociaux européens contre la concurrence des pays très
inférieurs en la matière. Il faut également refuser de construire l'Europe avec
comme partenaires moteurs ceux qui refusent l'objectif d'une Europe des droits
sociaux: c'est du sabotage par dumping social. De plus, pour les même raisons,
si par un retournement de circonstance, malheureusement très improbable, nous
réussissons à regrouper et à ranimer nos forces, il faudrait faire des progrès
sociaux et démocratiques des pays émergeants une condition d'ouverture des
marchés européens à leur concurrence.
Il en va de même pour l'Euro. Nous avons fait fausse route en imposant une
monnaie unique sans imposer préalablement, ou au moins en même temps, les
conditions qui la rendraient viable, à savoir un rapprochement considérable des
conditions de vie, de travail et de taxation au sein de l'Europe. Si nous sommes
incapables d'un tel rapprochement, il faut se replier sur l'Euro en tant que
monnaie commune d'échange, tout en réintroduisant des variétés monétaires
nationales de l'Euro (en quelques sortes des monnaies nationales, mais non
utilisées pour vendre ni acheter). Ces variétés nationales seraient utilisées
pour fixer coûts, prix et salaires dans les pays membres, mais pas pour payer
(c'est l'Euro qui serait alors utilisé). Les variétés monétaires nationales
seraient donc utilisées pour la comptabilité, et leurs fluctuations vis à vis de
l'Euro (induisant une fluctuation différenciée des revenus et des coûts internes
dans les États Membres) seraient le reflet indirect des marchés, pondérés par
des décisions politiques de la banque centrale européenne, ce qui permettrait
d'éviter les effets de spéculation. Ces fluctuations, qui affecteraient les
salaires et les prix en Euros mais pas dans la variété monétaire nationale du
pays considéré, permettraient aux travailleurs des pays en progrès relatifs de
productivité de toucher les fruits de leurs efforts à travers le renchérissement
de leur variété monétaire (dans laquelle prix et salaires seraient exprimés) vis
à vis de l'Euro, et permettraient également aux pays en baisse de productivité
d'éviter la liquidation de leurs tissus industriels et économiques par la
dépréciation de leur variété monétaire nationale vis à vis de la monnaie
commune, cette dépréciation jouant le rôle d'une dévaluation compétitive qui
certes appauvrirait relativement leurs travailleurs, mais leur permettrait de
poursuivre leur activité et donc de garder leurs gagne-pain.
Mais comme il est improbable de réussir!
Bien sur il faudrait imposer pour cela un mode de fonctionnement démocratique
qui permettent aux peuples référendaires et/ou à leurs représentants du
parlement européen, d'exercer un droit de sanction sur la commission qui serait
donc poussée à développer une vraie orientation politique européenne, même si sa
mise en œuvre devait dépendre de négociations de la commission avec les États
membres, structurés en spirales concentriques par niveaux d'intégration avec des
critères de transition clairs.
Il est clair qu'un tel mode et fonctionnement serait bien difficile à adopter
à partir des institutions actuelles. Aussi pourrait-il s'avérer nécessaire de
dénoncer les traités pervers qui nous ont conduit à la situation calamiteuse que
nous connaissons aujourd'hui, et dans le même mouvement en réintroduire de
nouveaux sur la base d'une approche principalement fédérale et de démocratique,
qui ménage des degrés d'intégration différents et induise donc une flexibilité
salutaire à la cohérence de l'ensemble. Une telle réforme ne peut être conduite
que sous le leadership des pays du premier cercle, à savoir les pays capables et
visant le plus haut niveau d'intégration. Les autres ne pouvant des lors que
suivre a leur rythme, et même devant les suivre si comme c'est souhaitable
l'unité du premier cercle est rendu obligatoire vis à vie des pays tiers.
Bien entendu certains trouveront ces propositions discriminatoire ou autres
qualificatifs peu flatteurs, mais peu importe car si leur point de vue prévaut
comme c'est malheureusement le cas, l'Europe sera inévitablement balayée par une
vague populiste bornée et finira donc douloureusement dans des poubelles de
l'histoire. Nous en goûtons déjà les premières effluves de goût écœurant, et ce
n'est qu'une entrée en matière. On ne peut pas escompter d'indulgence de la part
des peuples dont on s'est par trop payé la tête, au nom de sornettes
idéologiques qui vont des principes libre-échangistes et/ou ultra-libéraux aux
points de vue tiers-mondistes et/ou crispés sur l'avenir révolutionnaire
radieux, la lutte et la haine de classes.
Pierre Loubières 25/03/2014
Une politique de communication maladroite
Alors que l’on prévoit des élections européennes assez peu favorables à
l’idée même de construction européenne, la Commission juge bon de mettre fin à
Presseurop, le service de revue de presse qui avait pour objectif de faire
partager l’information par tous les citoyens européens. Cette mort annoncée
résulte d’ailleurs moins d’une volonté politique clairement affirmée que d’un
pataquès administratif couplé à une ambition initiale maladroite (celle
d’étendre ce service), vite abandonnée par crainte des critiques. Presseurop
était pourtant un outil apprécié de tous et un moyen efficace de mutualiser
l’information.
Par ailleurs, la Commission a vu fuiter un
document dans lequel elle propose aux États-membres une politique de
communication concernant les négociations commerciales transatlantiques. En ces
temps d’économies budgétaires, le papier proposait d’être économique avec la
vérité, en affirmant notamment que l’accord ne vise pas à atténuer les normes
garantissant la sécurité et la santé des européens. Hélas ! Il semble que le
commissaire Karel De Gucht n’ait pas bien lu ce document quand, devant les
eurodéputés, il a fait part de ses craintes concernant les conséquences des
négociations US/EU sur les protections sanitaires et environnementales définies
par le règlement REACH.
Il est vrai que l’accord CETA entre l’UE et le Canada, signé le 18 octobre
2013 mais pas encore approuvé par le législateur européen, reste, lui, encore
très confidentiel, sans doute parce qu’il contient des clauses exorbitantes
comme l’interdiction de toute « violation des attentes légitimes des
investisseurs », protégeant les investisseurs "de changement politique
imprévisible". Bien sûr, cette clause figure au menu des négociations TTIP comme
elle figure en bonne place dans l’accord ALENA.
Le papier fuité déclare vouloir répondre aux inquiétudes du public sur les
conséquences des négociations US/UE sur le modèle social européen. Le moins que
l’on puisse dire est que la Commission fait ce qu’il faut pour que ces
inquiétudes se transforment en certitudes.
Une fois de plus, une fois de trop, à la veille d'élections européennes
cruciales pour l'existence même de l"Union européenne, la Commission européenne
ou plutôt - ce qui est totalement différent - la "Commission Barroso" a oublié
que l'intégration européenne repose sur des valeurs et des principes partagés et
non sur des choix idéologiques et partisans. Longtemps porteuse et garante de
l'intérêt commun, cette Commission-là n'est plus que le porte-voix masqué
d'intérêts particuliers, parfois même extérieurs à ceux des peuples européens...
Que tous les Européens de coeur et de raison fassent en sorte que la "Commission
Barroso" n'apparaisse un jour que comme un "accident de parcours" dans
l'Histoire de l'intégration européenne comme dans celle de la Commission
elle-même.
9 décembre 2013
L'Europe trahie par ses dirigeants
Une autre politique de construction européenne est pourtant possible !
Les élections européennes approchent et les sondages sont inquiétants. Ils
prévoient dans la plupart des pays une montée des extrêmes anti-européens et une
abstention massive. Ils prévoient aussi que les électeurs voteront surtout en
fonction d’enjeux nationaux, ce qui dénote la faible appropriation des enjeux
européens par le corps électoral.
Par ailleurs, la plupart des partis qui se disent européens sont en réalité
favorables à une approche intergouvernementale, qui petit à petit détricote la
construction européenne. Sans compter ceux qui, profitant de la promesse de
Cameron d’organiser un référendum de sortie de l’Union, veulent renégocier, à la
baisse bien sûr, les compétences de l’UE.
Bref, les perspectives sont très sombres pour ceux qui croient que seule
l’Europe peut donner les moyens au vieux continent de rester un acteur
économique, politique et social significatif, ou peut permettre de reconquérir
cette place.
Comment, en effet, convaincre l’électeur que l’approfondissement de la
construction européenne est un enjeu majeur ?
Le bilan de l’UE n’est pas bon.
Déficit démocratique, finance folle, dette abyssale creusée par le soutien aux
banques, politique économique destructrice du modèle social, pertes massives
d’emplois, désindustrialisation et, à part quelques succès limités, incapacité à
fonder un développement pérenne sur les nouvelles technologies, l’Europe
apparaît désormais comme un club de pays en perdition, dirigé par des politiques
frileux, passéistes et incompétents.
Les perspectives ne sont pas bonnes.
Tout ce que l’on propose à l’électeur, c’est la continuation des mêmes vieilles
politiques qui ont échouées, les mesures dites d’assainissement qui aggravent en
réalité les déficits tout en détruisant le tissu social. On n’envisage que les
mêmes demi-mesures pour renforcer le gouvernement économique européen, annoncées
par des conférences de presse triomphalistes mais sabotées dans leur application
par les réticences des gouvernements nationaux.
Si l’on cherche un seul exemple de la nocivité des dirigeants européens, on
le trouvera dans la récente déclaration de Mme Merkel déniant à l’électeur
l’influence que le Traité de Lisbonne lui concède quant au choix du futur
président de la Commission. Le déficit démocratique des institutions est voulu
et entretenu par les gouvernements européens.
D’ailleurs, devant les sondages catastrophiques, les dirigeants européens
sont dans le déni de réalité. Ils se consolent en considérant qu’un fort niveau
d’abstention à des élections somme toute sans enjeu est normal et que le
renforcement attendu du nombre de députés europhobes ne leur permettra cependant
pas de peser dans le nouveau Parlement, puisque celui-ci fonctionne grâce à des
coalitions de partis modérés. Les dirigeants européens affectent donc la
sérénité devant le désaveu populaire.
L’Europe est bien utile comme bouc émissaire des décisions prises par les
gouvernements nationaux. L’UE leur sert d’outil pour imposer des politiques
désastreuses, hors de tout contrôle démocratique. Certains députés du Parlement
européen sortant viennent de manifester – mais trop tard – leur inquiétude quant
au fonctionnement des « troïkas » qui imposent des politiques dangereuses et
inefficaces « fondées sur des hypothèses que les faits ont invalidées » d’après
le Vert allemand Sven Giegold. L’influence des consultants privés, souvent
américains, dans la détermination de la politique des troïkas, et accessoirement
leurs tarifs exorbitants restent encore largement opaques.
La grande question qui agite les dirigeants est maintenant la négociation
d’un traité de libre-échange avec les USA, que l’on prétend créateur d’emplois,
mais dont l’objectif réel est de démanteler les réglementations qui protègent la
santé, la sécurité des consommateurs et qui fixent des normes de qualités
minimales pour les produits et les services. Une fois de plus, l’UE sera le
paratonnerre qui protègera les dirigeants quand les effets économiques et
sociaux néfastes d’une libéralisation sauvage de plus se manifesteront.
Par contre, les États membres se gardent bien de donner à l’UE les moyens
d’une action au niveau européen. Le budget européen ne dispose que de maigres
ressources autonomes car les États veulent garder les moyens d’empêcher toute
initiative qu’ils ne contrôleraient pas. Les récentes décisions concernant la
réduction du budget quinquennal ont torpillé tout espoir de relance économique
et même tout renforcement réel (au-delà des effets d’annonce) des
investissements pour préparer l’avenir économique, social et culturel de
l’Union.
Est-ce cette Europe que nous voulons construire ?
Est-ce cette Europe qui permettra de protéger un modèle social déjà largement
abîmé ?
Est-ce cette Europe qui correspond aux idéaux de paix, de prospérité et de
justice sociale ?
L’électeur s’apprête, à bon escient, à sanctionner cette construction
européenne dévoyée. Cette Europe est indéfendable.
Le malheur est que l’électeur, pour exprimer son rejet, n’a d’autre choix que
de voter pour des partis anti-européens, opposés à la construction européenne
pour de mauvaises raisons et par principe. Revenir aux États-nations et aux
coopérations intergouvernementales branlantes ne ferait que précipiter
l’irrémédiable déclin européen.
Il manque dans le paysage politique européen des partis réellement européens,
capables d’expliquer les enjeux, capables de dessiner des perspectives et de
proposer des politiques à l’échelon de l’Union.
Il faut proposer au citoyen européen une alternative positive, vers la
construction d’une Europe qui soit réellement au service des peuples, pour créer
de l’espoir et pour œuvrer à une prospérité bien répartie. Il faut donner une
autre option que celle de voter encore une fois, soit pour ceux qui ont conduit
l’UE vers l’échec, soit pour ceux qui veulent sa fin.
17/11/2013
L’union européenne survivra-t-elle en 2024 ?
L’union européenne survivra-t-elle en 2024 ?
L’Europe était une belle idée. Un espace de paix et de réconciliation entre
les belligérants, après une guerre particulièrement atroce. Une troisième voie
entre les deux superpuissances qui se faisaient face lors de la guerre froide,
alors même que les pays constitutifs de l’époque appartenaient au bloc
occidental. Un espace de progrès social et de prospérité, grâce à un marché
commun. Un havre accueillant des pays méditerranéens sortant de leurs dictatures
d’inspiration fasciste, facilitant leur transition démocratique. Puis, un havre
accueillant d’ex-pays du bloc soviétique dans le même but. Un espace de
solidarité, aidant les régions appauvries à rattraper leur retard. Un mécanisme
pour permettre la diffusion des valeurs fondamentales et pour harmoniser par le
haut les droits sociaux, c'est-à-dire pour permettre à ceux qui n’en
bénéficiaient pas encore de les acquérir.
La construction européenne s’inscrivait dans un contexte plus général de
remise en cause des frontières, de limitation de souveraineté quand la paix
était menacée (d’où la création du Conseil de Sécurité de l’ONU), de
décolonisation et d’aide au développement du Tiers-Monde. Il s’agissait d’une
utopie constructive, générant des progrès réels quoique partiels et fragiles.
Le succès de la construction européenne a généré ses propres obstacles. Avant
même la crise actuelle, certaines régions ou certains pays riches ont commencé à
se demander pourquoi poursuivre un effort de solidarité à long terme, d’autant
plus que les adhésions nouvelles entraînaient des besoins considérables. L’oubli
des erreurs passées et particulièrement des effets mortels d’un nationalisme
effréné a permis à certains de se revendiquer souverainistes pour s’exonérer de
l’obligation de négocier avec leurs partenaires et d’accepter des compromis.
La tentation du repli sur soi a été surtout renforcée par la mutation
économique due à une politique mal maîtrisée, trop rapide, de mondialisation.
Certains pays ont eu plus de difficultés que d’autres à remplacer les activités
qui fuyaient vers les pays émergents par de nouveaux secteurs économiques et à
dire vrai, quelques pays n’y sont pas parvenus. La migration des salariés vers
des emplois non industriels n’a pas été facile, pour certains, elle a été
impossible, malgré les efforts de formation professionnelle. De nombreux
individus se sont retrouvés voués à un chômage définitif suivi d’une retraite
difficile. Les promesses d’un espace de prospérité européen n’ont pu être
tenues. Ni l’Union européenne ni les gouvernements nationaux n’ont su mettre en
place une politique industrielle et de développement économique pour gérer les
mutations, conséquence d’une politique de libéralisation des échanges qui, elle,
a été menée tambour battant et même aveuglément, au seul profit de certains
grands groupes industriels et bancaires.
La crise née du choc des subprimes (conséquence d’une politique de
déréglementation activement menée par les gouvernements) a considérablement
aggravé les choses. La nationalisation inconsidérée des pertes bancaires a
entraîné une explosion de l’endettement des États, c'est-à-dire des
contribuables. La crise bancaire a muté en crise financière, puis en crise
économique. Il s’agit là d’un cataclysme d’autant plus affolant pour les
citoyens que l’Union Européenne a étalé publiquement de sommet en sommet son
impuissance et son incompétence. Chaque sommet européen donnait lieu à des
communiqués annonçant des solutions, pour être suivi d’une rapide aggravation
des choses rendant nécessaire un autre sommet. Les solutions trouvées devenaient
de plus en plus dures pour les citoyens de certains pays, organisant leur
spoliation par une pression fiscale exorbitante, par la diminution des
retraites, par la disparition des emplois et récemment, la ponction de leurs
dépôts bancaires. Les citoyens des pays épargnés, jusqu’à présent, n’en sont
guère rassurés car on voit bien que la menace peut très rapidement s’étendre à
d’autres pays. Le modèle social européen est gravement menacé. Même dans les
pays riches, l’ordre du jour est à l’austérité durable. Par ailleurs,
l’Allemagne, qui joue les premiers de la classe, commence à s’inquiéter des
conséquences possibles de son impopularité auprès des autres peuples.
A l’incompétence s’ajoute l’illégitimité. La Troïka en est le symbole. Un
concept mystérieux avec un nom fleurant bon le despotisme soviétique, des
technocrates non élus aux commandes, des mesures impopulaires, le mépris des
institutions démocratiques mises sous tutelle, la recette est presque parfaite.
L’Union Européenne, avec ses institutions complexes ne respectant pas les
principes de séparation des pouvoirs et de responsabilité de l’exécutif devant
une chambre basse, son Conseil qui prend des décisions gravissimes sans contrôle
ni recours effectif, n’a aucune des caractéristiques démocratiques qui rendent
le pouvoir politique acceptable par les citoyens.
La charge est-elle injuste ? Après tout, le procès en incompétence doit être
nuancé par le fait que l’Euro a été sauvé. Le procès en illégitimité
n’occulte-t-il pas le fait que ce sont des gouvernements démocratiques qui
siègent à Bruxelles ?
La vérité est que le citoyen juge l’arbre à son fruit. L’Euro a été sauvé, mais
à quel prix et pour combien de temps ? Et pour quelles perspectives de reprise
économique ?
Des décisions sont prises à Bruxelles, mais qui les prend, et comment ? Il n’y a
aucun compte-rendu des sommets européens, les motivations des décisions et les
positions des uns et des autres restent secrètes, à peine retracées par des
déclarations officielles alambiquées ou par des articles journalistiques rédigés
par des correspondants tenus soigneusement à l’écart des débats.
L’Union européenne apparaît d’autant plus comme un monstre ingouvernable et
insensible à la volonté populaire que dans les pays qui la constituent, le
citoyen peut bien voter comme il lui plait, à gauche ou à droite, ça ne change
rien à la course du bateau.
Il n’est donc pas étonnant que ce déficit politique crée de l’euroscepticisme.
Les institutions qui n’ont pas de valeur ajoutée réelle, visible pour leurs
citoyens sont condamnées à disparaître. Certes, les experts expliqueront que
seule l’Europe a la taille critique pour interagir avec les grands blocs
économiques d’une économie mondialisée. Mais ce discours est inaudible, d’une
part parce que de petits États s’en sortent très bien économiquement et d’autre
part parce que l’Union européenne a effectivement failli dans sa mission de
protection d’un espace commun de prospérité.
La désaffection des citoyens pour la construction européenne est un mouvement
de fond, puissant et difficilement réversible. Déjà, le Royaume-Uni, si un
référendum était effectivement organisé comme promis par son gouvernement
actuel, choisirait selon toute vraisemblance d’arrêter là les frais. Mais dans
tous les autres pays, des mouvements eurosceptiques existent, dont certains ont
le vent en poupe et qui risquent bien de contribuer à forger une opinion
majoritairement négative quant à la poursuite de la construction européenne.
Alors, l’Union Européenne survivra-t-elle en 2024 ? Si les tendances
actuelles se poursuivent, rien n’est moins sûr. Depuis longtemps, les
gouvernements nationaux s’ingénient à peupler les institutions européennes
d’ectoplasmes aux postes dirigeants, ils foulent aux pieds les processus de
décision communautaires et les maigres droits du Parlement, ils renationalisent
les compétences ou les dupliquent, sans souci de la gabegie budgétaire. Ils
favorisent la corruption locale grâce aux détournements de fonds, rendus
possible par des procédures intentionnellement complexes, en se moquant, année
après année, des rapports de la Cour des Comptes. Déjà, l’UE n’est qu’un théâtre
d’ombres, fort commode pour faire porter le chapeau des décisions
gouvernementales par une structure qui n’est en définitive qu’une marionnette.
Ils ont tué le rêve européen.
Et pourtant, jamais une vraie union européenne n’a été plus indispensable.
Aucun des grands problèmes qui affectent l’Europe ne peut trouver de vraie
solution qui ne soit commune. Seule une voix commune européenne peut vraiment
peser dans le concert mondial. La démonstration a contrario en est fournie par
le simple fait que quoi qu’ils en aient, les gouvernements de l’UE se
coordonnent en permanence et que leurs dirigeants se rencontrent intensivement.
Ils sont très conscients que le retour aux Etats-nation en Europe signifierait
l’accélération d’un déclin, peut-être confortable d’abord, mais rapidement
destructif des valeurs, des richesses et même des identités des nations
européennes.
Peut-on renverser la tendance ?
Il faut que l’union européenne retrouve sa pertinence vis-à-vis des citoyens.
Cette pertinence ne peut résulter que d’un projet politique européen. Non pas
avec des grands mots et des grands sentiments, auxquels plus personne ne croit.
Un projet politique européen doit proposer des réponses concrètes aux grands
défis communs : déficit d’emplois, financement des retraites et de la protection
sociale, éducation, gouvernance économique et financière… Ce projet politique
doit être crédible, c'est-à-dire soutenu par un budget et une structure capable
de le mettre en œuvre au contraire des pitoyables ‘stratégie de Lisbonne’ ou
‘Europe 2020’.
La structure de gouvernance de l’UE doit devenir une structure démocratique,
c'est-à-dire se conformer aux principes constitutionnels suivis au niveau
national des États membres. Le principe un homme, une voix doit être respecté au
niveau de la chambre basse, c'est-à-dire que chaque parlementaire doit être élu
par un nombre sensiblement égal de citoyens. Une chambre haute peut représenter
les États. Le pouvoir exécutif doit être séparé du législatif, mais responsable
devant la chambre basse. Un mécanisme de contrôle constitutionnel doit permettre
la sauvegarde des compétences respectives de l’Union et des États membres.
L’Union doit avoir son budget propre et ses propres ressources. Cette
simplification démocratique est la condition nécessaire pour que l’électeur
puisse comprendre les enjeux et réellement peser par son vote sur la politique
choisie.
Cette refondation est nécessaire pour que l’UE survive en 2024. Une étape
importante en 2014 permettra de comprendre si cette survie est possible : les
élections européennes. Aura-t-on lors de ces élections l’absence de débat
habituelle sur les enjeux européens au profit des enjeux purement nationaux ? Si
oui, l’UE ne vivra pas en 2024. Aura-t-on un rassemblement des partis politiques
en groupements européens, selon leur tendance politique, pour présenter un
programme réellement européen et proposer une équipe qui formera la future
Commission européenne en cas de succès électoral ? Si non, l’UE ne vivra pas en
2024. Parlera-t-on lors de ces élections des leçons des crises et de la
refondation d’une UE dotée des compétences, des structures et du budget
nécessaire pour la définition d’un vrai programme politique européen ? Si non,
l’UE ne vivra pas en 2024. Les familles européennes des partis politiques
proposeront-elles un programme européen concret pour trouver une réponse aux
grands problèmes du jour ? Si non, l’UE ne vivra pas en 2024.
Il reste peu de temps d’ici aux élections européennes de 2014. Si ceux qui
croient encore qu’une Europe politique est indispensable pour préserver notre
modèle de société ne s’organisent pas au niveau européen, ne présentent pas
leurs solutions aux électeurs, s’ils laissent les choses aller à vau l’eau,
alors l’UE a toutes les chances de disparaître d’ici 2024.
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Will the European Union still exist in 2024?
Europe was a beautiful idea. It was to be a space for
peace and reconciliation between the combatants after a particularly brutal
war; a third way between the superpowers who were squaring up to each other
in the Cold War, even while the founder countries belonged to the western
bloc; a space for social progress and prosperity, thanks to a common market;
a welcoming haven for the Mediterranean countries emerging from the
fascist-leaning dictatorships, easing their way to democracy; and then a
welcoming haven for the former members of the Soviet bloc for the same
reason; a space for solidarity, helping the impoverished regions to catch
up; a mechanism to stimulate the sharing of fundamental values and for
harmonising social rights on a higher level, in other words to ensure that
those who had never enjoyed such rights would acquire them.
European integration was to take place in a wider
context of relaxing borders, limiting sovereignty when peace was threatened
(hence the creation of a UN Security Council), of decolonisation and
development aid to the Third World. It was to be a constructive utopia,
generating real progress, albeit partial and fragile.
The success of European integration has created its
own obstacles. Even before the current crisis, some regions or wealthier
nations had begun to wonder why they needed to continue working towards such
long-term solidarity, especially as new members were burdened by serious
needs. Oblivious of past mistakes and particularly of the lethal effects of
unrestrained nationalism, some nations claimed the right to stand above it,
thus freeing themselves of the obligation to negotiate with their partners
and to accept compromise.
The temptation to turn in on themselves was especially
buttressed by the economic transformations brought about by poorly
understood and over-rapid globalisation. Some nations experienced greater
difficulties than others in substituting their former activities which had
fled to the emerging economies with new economic sectors, and the fact is
that some countries have simply failed to do so. The transfer of skills to
non-industrial jobs was not easy for many workers, and for some was simply
impossible, despite occupational training schemes. Many found themselves
doomed to long-term unemployment leading into difficult retirement. Neither
the European Union nor the national governments had any idea how to set up
an industrial and economic development policy capable of managing the
changes which were the outcome of trade liberalisation policies which had
triumphantly and even blindly marched in, only to profit a handful of huge
industrial and banking organisations.
The crisis born of the sub-prime mortgage shock (the
outcome of a deregulation policy actively implemented by governments) made
things much worse. The thoughtless nationalisation of banking losses led to
an explosion of national debt, or in other words, of taxpayer debt. The
banking crisis morphed into a financial crisis, then into an economic
crisis. This was a cataclysm that was all the more terrifying for Europe’s
citizens as the Union publicly spotlighted its impotence and incompetence at
summit after summit. Each European summit produced statements announcing
solutions which were speedily followed by a further deterioration in the
situation leading to yet another summit. The solutions adopted became more
and more painful for the people of some countries, which attempted to cope
with their bankruptcies by exorbitant fiscal pressure, slashing retirement
pensions, axing jobs and recently raiding the people’s actual bank accounts.
Nor are the citizens of the countries spared in any way comforted, because
it is all too clear that the threat can swiftly spread to other nations. The
European social model is under serious threat. Even in the wealthy countries
the order of the day is sustainable austerity. And now Germany herself, so
far the top of the class, has begun to worry about the potential
consequences of her unpopularity among the other countries.
Incompetence is twinned with illegality. The Troika is
a symbol this. A mysterious concept whose name hints at Soviet despotism,
consisting of technocrats with no peoples’ mandate to command, unpopular
measures, scorn for the democratic Institutions they are supposed to
protect, the recipe is almost perfect. The European Union, with its complex
Institutions which ignore the separation of powers and the answerability of
the executive to a lower Chamber, its Council taking the most serious of
decisions unmonitored and beyond appeal, has none of the democratic
characteristics which render political power acceptable to the citizen.
Is this accusation unfair? After all, it must be
admitted that incompetent action notwithstanding, the Euro has been saved.
Does the illegitimacy of what has happened cloak the fact that the
governments sitting in Brussels are themselves democratic?
The proof of the pudding is in the eating. The Euro has been saved, but at
what cost, and for how long? And what prospects of economic recovery has it
left us with?
Decisions are taken in Brussels, but who takes them, and how? No minutes are
taken of European summits, the reasons why decisions are taken, the
positions adopted by this party or that remain secret, barely hinted at by
tortuous official statements or by press articles drafted by correspondents
carefully kept at arm’s length from the discussions.
The European Union seems all the more like an
untameable monster, indifferent to the people’s wishes because in the
countries which comprise that Union, citizens can vote as they please, left
or right, and it has absolutely zero impact on the course being followed by
the Union.
It is hardly surprising that such a political vacuum
creates Euroscepticism. Institutions which have no real added value which
the people can see with their own eyes are doomed. Experts will, of course,
explain that only Europe has the critical size needed to interact with the
large economic blocs which occupy a globalised world. But nobody pays any
attention, because in the first place there is no shortage of small states
which display a highly satisfactory economic performance, and in the second,
the European Union has utterly failed in its mission to defend an area of
shared prosperity.
The disillusionment expressed by the people regarding
the integration of Europe reveals a movement which is thoroughgoing and
powerful, and it will be very hard to turn it around. We have already
reached a stage where all appearances suggest that if a referendum were held
today in the United Kingdom, as the present government has promised, it
would choose to stop spending right now. And indeed, Eurosceptic movements
exist in all the other countries, some of which are gathering considerable
momentum and are in a position to be able to help forge a negative majority
opinion as to the pursuit of European integration.
So will the European Union still exist in 2024? If
current trends continue, nothing could be less certain. For a long time now,
the national governments have nominated boneless figures at the helm of
European Institutions, have been riding roughshod over Community
decision-making processes and the feeble powers of the Parliament, taking
powers back or duplicating them, indifferent to the ensuing budgetary waste.
They encourage local corruption by the misappropriation of funds, made
possible by deliberately complex procedures, thumbing their noses, year
after year, at the reports issued by the Court of Auditors. The EU has
already become little more than a shadow-play, a structure which is little
more than a puppet which can conveniently take the blame for decisions taken
by national governments. They have murdered the European dream.
And yet a genuine European Union has never been more
essential. No solutions exist for any of the grave problems which bedevil
Europe which are not common to all. Only a single unified European voice can
really carry any weight in the global discussion. The a contrario
demonstration of this is provided by the simple fact that although they may
have this voice, the EU governments never stop coordinating with one
another, their managers never cease meeting. They are very aware of the fact
that a return to the nation states in Europe would mean that decline would
accelerate, that although it might seem comfortable at first, it would
swiftly lead to the destruction of values, wealth and even the identities of
the nations of Europe.
Is it possible to reverse the trend?
The European Union must rediscover its relevance to
the citizens, and such relevance can only emerge from a European political
project. This will not be achieved with fancy words and sententious
expressions, in which nobody believes any more. A European political project
must offer real solutions for the huge challenges which face us all:
unemployment, retirement pensions and social protection, education, economic
and financial governance, and so on. This political project must be
credible, in other words it must be supported by a budget and a structure
capable of putting it into effect, unlike the pathetic ‘Lisbon strategy’ or
‘Europe 2020’.
The structure of EU governance must become a
democratic structure, a structure which complies with the constitutional
principles followed at the national level in the Member States. The
principle of one person, one vote, must be respected at the level of the
Lower House, that is, each Member of Parliament must be elected by a roughly
equal number of citizens. The Upper Chamber can represent the States. The
executive power must be separate from the legislature, but must be
answerable to the Lower Chamber. A constitutional monitoring mechanism must
be in place so that the respective powers of the Union and the Member States
can be protected. The Union must have its own budget and its own resources.
This democratic simplification is the necessary condition for electors to be
able to understand the issues and genuinely use their votes to press for the
policies they have chosen.
For the EU to survive until 2024, the foundations will
have to be rebuilt. An important step in 2014 will make it possible for us
to understand whether survival is possible: the European elections. Will
these elections witness the absence of usual debate on European issues to
the profit of purely national issues? If the answer is yes, the EU will be
dead in 2024. Shall we see the organisation of political parties as European
groups with shared political tendencies, presenting a genuinely European
programme and putting forward a team which will form the future European
Commission if elected? If the answer here is no, the EU will be dead in
2024. Will these elections hear of the lessons learned from the crises and
the re-establishment of an EU equipped with the powers, structures and
budget needed to frame a genuine European political agenda? Again, if the
answer is no, the EU will be dead in 2024. Will the European families of
political parties be proposing a genuine European programme crafted to
provide a response to the major issues which beset us today? If not, the EU
will be dead in 2024.
The 2014 European elections are almost upon us. If
those who still believe that a political Europe is essential to preserve our
kind of society fail to organise at the European level, fail to present
their solutions to the electors and let things fall apart, then there is
every likelihood that between now and 2024 the EU will disappear. |
17/07/2013
L’Union européenne n’est pas une option, mais
une obligation
elle a besoin d’une fonction publique
compétente, indépendante et permanente.
English version
Nous personnel des Institutions européennes, sommes conscients que travailler
auprès des Institutions européennes signifie participer à la réalisation d'un
projet politique unique: la construction d'une Union qui rassemble aujourd’hui
27 états et plus de cinq cents millions de citoyens. Il y a à peine quelques
décennies, avant le Traité de Rome, ces états s’entredéchiraient pour affirmer
leur suprématie économique et culturelle.
Cette Union, qui se veut la plus grande révolution pacifique jamais vue au
monde1,
doit se fonder sur le multi-culturalisme. Toutes les cultures, et par
conséquent, toutes les langues, ont la même dignité. Le multi-culturalisme étant
une richesse et non une difficulté, il est reconnu comme tel dans le Traité de
Lisbonne.
Toutefois, les interprétations du concept d’Union diffèrent très fortement
selon les états membres. En simplifiant, certains n’y voient qu’une simple zone
de libre échange alors que d’autres la conçoivent comme un projet qui devra
aboutir à une vraie Union européenne avec un pouvoir décisionnel, de plus en
plus représenté par le Parlement européen et avec de plus en plus de domaines de
compétence.
Il est clair que le service public européen devra être modelé en fonction du
choix politique qui sera fait. Une simple zone de libre échange ne nécessite pas
une fonction publique compétente, indépendante et permanente. En revanche, dans
une vraie Union européenne, cette fonction publique sera indispensable pour
assurer l’intérêt général. Ceci est vrai aussi pour la “méthode communautaire2”
, qui assure l’intérêt général de tous les états membres indépendamment de leur
poids économique, et qui s’oppose à la méthode inter-gouvernementale, laquelle
risque de privilégier les grands états membres et les puissants lobbies
économiques.
Une première grande attaque du fonctionnement des institutions européennes
est venue des partisans de la zone de libre échange et a été menée par le
Vice-président de la Commission de l'époque, Neil Kinnock.
Ne pouvant pas déclarer s’opposer à la construction européenne, ceci étant
politiquement incorrect, le VP Kinnock a prôné des réformes censées “améliorer”
la transparence et l’efficacité des services et a tenté d’imposer une “culture
unique”.
Il suffisait en effet, pour ralentir et enfin bloquer la construction
européenne que le moteur de la construction, la Commission, ne fonctionne plus.
Et c’est ainsi qu’avec l’introduction de règles de gestion tellement lourdes,
la Commission ne travaille presque plus que pour ses procédures internes. Seule
une petite partie du personnel “produit” pour l’extérieur. Dans ces conditions,
l’UE s’éloigne de plus en plus des besoins réels de ses citoyens.
L’autre grande “innovation” introduite par la réforme Kinnock est la mobilité
obligatoire à tous les niveaux. Celle-ci a fragilisé la haute hiérarchie qui
n’est plus compétente techniquement et n’assure plus que le management des
services. Alors que dans le passé, le jeune fonctionnaire “faisait sa mobilité”
et, en même temps, se formait. Ainsi au fur et mesure de son avancement dans la
carrière il approfondissait ses compétences et diversifiait ses connaissances
pour être prêt à assumer des responsabilités dans son secteur de compétence. De
cette manière, la Commission disposait de personnel hautement qualifié.
Aujourd’hui, on observe que la mobilité forcée des fonctionnaires, quel que soit
leur grade, a très souvent conduit à la perte de la mémoire historique et a
contribué à la démotivation au sein des services.
Mais des “innovations” plus démotivantes encore sont advenues : l’allongement
de la carrière vers le bas et l’introduction d’une nouvelle figure de personnel
(les agents contractuels, AC).
Tout d’abord, le nouveau grade de démarrage de la carrière, notamment pour
les universitaires (AD5), n’est plus tellement attrayant pour les jeunes. Aux
concours généraux, quelques nationalités sont désormais absentes. Le risque est
que bientôt il n’y aura que certaines nationalités parmi les nouveaux recrutés.
De plus, l’autre grand problème est que la relève interne du haut management
est quasi impossible pour les fonctionnaires recrutés au grade de base (AD5). Le
jeune fonctionnaire entré en AD5 à 30 ans, devra, pour accéder à un poste du
haut management (AD14, AD 15), bénéficier d’au moins 9 promotions. Il faut
compter trois/quatre ans pour chaque promotion en moyenne, soit une bonne
trentaine d’années ; il pourrait être prêt à assumer des responsabilités quand
il aura 60 ans! De cette manière, le personnel “non cadre” serait donc recruté
par concours ou sélection et la hiérarchie, par parachutage des capitales et des
lobbies externes. Ceci sera la fin de l’indépendance de la fonction publique
européenne. Et, dans cette situation, il est certain que les “grands” états
membres pourront “se servir” et imposer leur “grands commis”.
Le contrat d’AC est une vraie discrimination et exploitation. Ces collègues
font le même travail que les fonctionnaires, mais sont payés beaucoup moins et
sont précaires (ne pouvant travailler que 3 ans dans les services de la
Commission).
Contrairement aux attaques contre une fonction publique européenne qui serait
trop chère, il faut savoir que les coûts administratifs pour cette fonction
publique ne représentent que 5,7% du budget communautaire, dont seulement 2,6%
concerne les salaires !!!
In fine, on découvre que la vraie motivation de ces réductions n’a pas été
des améliorations budgétaires significatives, mais plutôt la volonté de
décourager les candidats les plus performants d’entrer dans la fonction publique
européenne et de “nationaliser” notamment la haute hiérarchie.
La réforme Kinnock a déjà permis des “économies” de 3 milliards d’euros à ce
jour et fera économiser encore 5 milliards jusqu’à 2020. Mais elle a presque
bloqué le fonctionnement de la Commission, empêchant ainsi cette Institution de
jouer pleinement son rôle. La Commission devient de plus en plus le secrétariat
des états membres, ou plus exactement, de certains états membres. La Commission
est en train de perdre ainsi son rôle de proposition, et, donc, de moteur de la
construction européenne.
Pourtant, dans un monde caractérisé par une mondialisation sauvage et par des
crises financières sciemment non contrôlées, le seul moyen pour sauvegarder le
modèle social européen est la réalisation d’une Union européenne démocratique et
stable. Pour se faire, il faut que certaines conditions puissent se concrétiser:
- une participation active et consciente de ses citoyens;
- un travail dans l’intérêt général;
- une solidarité accrue.
Aujourd’hui, les citoyens européens, notamment les jeunes, prennent pour
acquis tout ce qui a été réalisé après la signature du Traité de Rome, le 25
mars 1957. Et pour eux, l’Europe est vécue comme une contrainte et non comme une
opportunité.
Comment en sommes-nous arrivés là? L’Union européenne a négligé sa relation
avec ses citoyens.
L’Europe parle très souvent un langage incompréhensible pour le citoyen. Mais
plus grave encore, les politiques nationaux se déchargent souvent de leurs
responsabilités sur l’Europe, qui apparaît si lointaine à ses citoyens :
“Bruxelles a décidé …”. Le citoyen ignore que les décisions finales sont prises
par ses propres ministres et que “Bruxelles” ne peut que proposer!
Personne n’explique que beaucoup de progrès ont été réalisés grâce au fait
que nos Etats membres ont décidé de travailler ensemble : l’Euro, Erasmus, la
baisse des prix de certains services : vols aériens, télécommunications, la
libre circulation des personnes, etc.
Et surtout, personne n’explique qu’une vraie Union européenne n’est pas une
option, mais une obligation si nous voulons faire face aux défis actuels
(mondialisation sauvage, crises financières incontrôlables, pour ne citer que
les majeurs) sans perdre notre modèle de vie. Aucun état membre, petit ou grand
soit-il , ne pourra faire face à ces défis tout seul!
Les citoyens doivent en être conscients et demander à leur représentants
politiques d’oeuvrer pour réaliser le plus tôt possible une Union européenne
forte, démocratique et stable. De leur côté, les Institutions européennes,
notamment la Commission, doivent s’impliquer pour informer plus largement les
citoyens des politiques et des actions conduites au niveau européen et leur
faire connaître, de manière claire et accessible, les effets de ces actions sur
leur vie quotidienne et sur leur avenir.
Trois principes commandent la voie vers une vraie Union européenne:
● L’équilibre institutionnel doit être respecté et le rôle du PE et de la
Commission renforcé.
● La fonction publique doit continuer à être compétente, indépendante et
permanente.
● La méthode communautaire doit être renouvelée et renforcée.
Si l’Union européenne n’est pas capable de se renforcer, les égoïsmes
nationaux vont refaire surface et la modeste construction réalisée depuis le
Traité de Rome risque de s’écrouler : il n’y aura pas de gagnants parmi les
européens, nous seront tous des perdants.
Nous personnel des Institutions européennes nous sommes prêts à nous battre
pour sauvegarder le modèle social et économique européen et ainsi faisant nos
spécificités culturelles et l’avenir de notre société.
Franco Ianniello
1. Le Traité de Lisbonne dit dans son
article premier :"L'Union est fondée sur les valeurs de respect de la dignité
humaine, de liberté, de démocratie, d'égalité, de l'État de droit, ainsi que de
respect des droits de l'homme, y compris des droits des personnes appartenant à
des minorités. Ces valeurs sont communes aux États membres dans une société
caractérisée par le pluralisme, la non-discrimination, la tolérance, la justice,
la solidarité et l'égalité entre les femmes et les hommes”
2. AVIS du Comité économique et social
européen “La
rénovation de la méthode communautaire (lignes directrices)” Malosse-Dassis
L'Europe de demain, un cauchemar annoncé ?
Par Claude Rolin, Secrétaire général de la CSC
L'Europe, c'est tout d'abord un formidable projet, celui de la construction
d'un espace de paix et de développement économique et social. L'Europe c'est
notre projet, notre rêve : permettre à tous les citoyens de vivre dans la paix
et d'avoir de meilleures conditions de vie. Il faut pourtant constater que de
moins en moins d'Européens jugent positive l'appartenance de leur pays à l'UE
(1). Nous sentons nous aussi cette
désillusion chez un grand nombre de nos affiliés, et tout porte à croire que ce
ressenti va encore se dégrader dans les prochaines semaines...
Ce 11 mars, un sommet extraordinaire réunira les chefs d'Etat européens,
suivi les 24 et 25 mars, par un important Conseil européen. Au menu de ces
réunions : le fonds européen de stabilité, le pacte de compétitivité et les
programmes nationaux de réforme. La volonté des dirigeants européens est de
définir une gouvernance économique. Depuis longtemps, avec les autres
syndicalistes européens, nous revendiquons une véritable gouvernance économique
européenne car nous sommes convaincus qu'il n'est pas possible de maintenir une
monnaie unique sans un projet coordonné de développement économique, social et
environnemental. Il nous faut un projet qui donne de l'avenir aux Européens
d'aujourd'hui et aux générations futures.
Nous devrions donc être heureux de voir nos responsables se pencher sur cette
nouvelle gouvernance. Nous sommes au contraire extrêmement inquiets car les
propositions annoncées sont aux antipodes de notre rêve pour l'Europe. C'est
même un véritable cauchemar qui nous est annoncé ! C'est le coeur même du projet
européen qui est en danger.
A la suite d'une des plus terribles crises que nos Etats aient jamais
connues, il a fallu mobiliser d'importants moyens pour tenter de stabiliser
l'économie. Les salariés ont été durement mis à contribution pour payer
l'addition, subissant licenciements et chômage temporaire. Les Etats ont
également été mis lourdement à contribution pour sauver les institutions
financières, mais les joueurs du casino financier ont rapidement réorienté leurs
activités en spéculant sur la capacité des Etats à assumer te poids de leur
dette. Face à ces attaques, l'Europe a accordé certaines aides tout en imposant
des mesures d'austérité particulièrement contraignantes.
La récente proposition franco-allemande d'un pacte de compétitivité est
révélatrice de la nature de la gouvernance économique qui se met en place en
Europe : les seules variables d'ajustement économique sont les politiques
sociales et les salaires. On y met clairement en cause l'âge de la retraite et
les systèmes d'indexation des salaires. La logique néolibérale est le fil
conducteur de cette soi-disant croissance intelligente et durable.
La communication de la Commission européenne sur l'examen annuel de
croissance ne laisse aucune place à l'ambiguïté. Dans ses dix priorités, elle
attaque frontalement le modèle social européen. Elle prône l'assainissement
budgétaire par la diminution des dépenses publiques liées aux transferts
sociaux. Elle recommande une modération stricte des salaires, qui doit passer
par la révision des clauses d'indexation inscrites dans les systèmes de
négociation salariale.
D'autres recettes visent une plus grande libéralisation du secteur des
services, la réforme des systèmes de retraites,.. Le contrat de travail lui-même
est mis en cause quand la Commission va jusqu'à recommander de réduire la «
surprotection » dont bénéficient les contrats à durée indéterminée.
Plusieurs propositions législatives pour renforcer la gouvernance économique
devraient également être adoptées en juin, en codécision avec le Conseil
Européen. Elles portent entre autres sur la prévention des écarts de
compétitivité, l'idée étant d'instituer une sorte de « norme salariale »
européenne dont le non respect serait passible de sanctions. On parle aussi de
limiter très strictement les dépenses publiques pour maîtriser les déficits des
Etats. Quel paradoxe ! Alors que la crise économique et financière a mis en
avant toute l'importance du rôle des Etats, des services publics et de la
sécurité sociale, ce projet européen de gouvernance économique prend le risque
de casser les quelques signes de reprises en menant des politiques de récession.
L'Europe se trouve aujourd'hui devant une responsabilité historique. Elle
doit apporter une réponse à la crise et mettre en place une gouvernance
économique au bénéfice de tous les citoyens. Pour nous, syndicalistes, sortir de
la crise/ c'est construire un développement durable, c'est donner la priorité à
la création d'emplois, en renforçant les systèmes de protection sociale et en
s'appuyant sur des services publics performants. Au lieu de vouloir flexibiliser
le marché du travail, diminuer les salaires, augmenter l'âge de la retraite, il
faut de toute urgence reconstruire un véritable projet positif qui propose aux
travailleurs et aux allocataires sociaux un- avenir ouvert, enthousiasmant,
qu'ils aient envie de construire. Comme syndicalistes, nous restons des
militants de la construction européenne mais nous la voulons plus humaine et
plus sociale. D'urgence, nous, avons besoin d'une autre Europe.
(1) Les sondages de l'Eurobaromètre indiquent qu'entre 2007et
2010, le pourcentage d'Européens qui jugent positive l'appartenance de leur pays
à l'UE est passé 57 à 49 %.
10.03.2011
La maturation de la démocratie européenne
Par Pia Locatelli, présidente de l'Internationale socialiste des femmes,
ancienne parlementaire européenne (PSI) et Gianni Copetti, président de
Iniziativa-europea.eu
Les politiques de Bruxelles sont largement perçues comme une menace contre le
statut économique, professionnel et social. L'opinion s'en désintéresse faute
d'apercevoir un moyen de les influencer. L'absentéisme croissant aux élections
européennes est la manifestation de ce sentiment d'impuissance. Pourtant la
préservation d'un modèle social où liberté, solidarité et progrès sont en
équilibre ne peut venir que d'actions au niveau du continent.
Si l'Europe est la première puissance économique du globe, capable de générer
assez de richesse pour pouvoir mener sa propre voie, il n'en va ainsi d'aucun de
nos Etats. Les politiques actuelles ne paraissent pas en mesure de définir une
alternative à la gestion de la société par les marchés qui est à l'origine de la
crise. Il est temps de réclamer l'Europe sociale qui suppose la maturation de la
démocratie européenne.
La politique sociale reste nationale malgré les objectifs de promotion de
l'emploi, d'amélioration des conditions de vie et de travail et de protection
sociale adéquate que l'Union européenne (UE) s'est donnée. Ces objectifs sont
des vœux pieux dont la réalisation est confiée aux forces du marché. Pour les
réaliser, l'Europe se limite à encourager la coopération par des études, à des
avis et à l'organisation d'échanges de bonnes pratiques. Ces "mesurettes" ne
peuvent conduire à l'harmonisation des systèmes de sécurité sociale, du droit
syndical et des négociations collectives, ni des politiques de l'emploi, du
droit du travail ou de la formation professionnelle.
En matière d'emploi, des analyses et échanges d'informations sont prévus sans
harmonisation législative. La diversité des équilibres sociaux est empêchée
d'évoluer vers plus de progrès au risque de leur refonte à la baisse au nom de
rentabilité. Le traité d'UE stipule que l'harmonisation des droits des
travailleurs requiert l'unanimité même si cette harmonisation est requise pour
le fonctionnement du marché intérieur.
Les matières de la sécurité sociale, de la protection sociale, de résiliation
du contrat de travail et des droits syndicaux restent privées de possibilités
d'évolution politique par l'imposition de la règle exceptionnelle de
l'unanimité. L'Europe ne peut se borner à considérer ses citoyens comme des
consommateurs en leur faisant supporter comme travailleurs le poids de la
rentabilité des investissements. En laissant le marché détruire nos conditions
sociales au nom de la flexibilité, l'Europe se conforme au modèle anglo-saxon,
sans voir que c'est lui qui nous a conduits dans l'impasse.
Les démocrates doivent avoir pour priorité que les objectifs sociaux de l'UE
puissent être atteints par un vote à la majorité des Etats, avec une pleine
implication du parlement européen et permettant aussi des coopérations
renforcées.
Dans l'immédiat, mobilisons-nous pour que la Commission présente dans le
cadre de l'élimination des distorsions de concurrence un agenda d'harmonisation
des dispositions légales de nature sociale. Selon le traité la politique de
concurrence comme tout autre politique de l'Union doit prendre en compte la
garantie de la protection sociale. Même si la poursuite de cet objectif ne peut
viser à l'harmonisation des systèmes de sécurité sociale, le renouvellement de
l'agenda social du Conseil européen de Nice 2000 pourrait garantir l'équilibre
entre flexibilité et sécurité de l'emploi et protection sociale sans attendre
une révision du traité. Cet agenda pourrait être réalisé à la majorité qualifiée
ou dans le cadre d'une coopération renforcée de la zone euro. Ce pourrait être
la chance de stabiliser les conditions sociales au moment où elles ne sont pas
encore trop défavorables.
La réalisation de l'Europe sociale suppose l'arrivée à maturité de la
démocratie européenne. La démocratie représentative est le fondement de l'Union,
il n'est pas nécessaire de faire revivre le spectre d'une constitution établie
par-dessus la tête des gouvernements. Donnons à cette aspiration le nom de
"fédération européenne des peuples" qui pourrait qualifier notre Union
lorsqu'elle sera parvenue à la maturité démocratique. Le facteur initial en est
l'approfondissement du rôle des partis politiques européens. Le traité d'UE
constate que ceux-ci contribuent à la formation de la conscience politique et à
l'expression de la volonté des citoyens de l'Union. Pourtant il ne s'agit que
d'organismes de coordination, leur ambition reste limitée au plus petit
dénominateur commun existant entre les partis nationaux.
Il faut organiser l'adhésion directe aux partis politiques européens, une
telle évolution est un préalable pour que les élections européennes se
focalisent autour de ces questions. La composition des listes pour les élections
européennes doit aussi réunir des candidats issus de plusieurs Etats membres.
Les partis politiques nationaux hésitent à ouvrir leurs rangs à des
personnalités d'autres nationalités, pourtant la possibilité de voter pour des
candidats majeurs simultanément dans plusieurs Etats membres donnera un visage
européen à ces élections.
Des leaders pourront ainsi émerger, investis de la volonté populaire la plus
large, avec une vocation à participer à l'exécutif européen, leur légitimité
démocratique étant semblable à celle dont bénéficient les membres des
gouvernements. Les partis pourront alors annoncer leur préférence pour diriger
la Commission en cas de victoire, ce qui établira la Commission comme un
authentique gouvernement de l'Europe. L'exécutif européen pourra ainsi être
unifié en appelant le président de la Commission à présider aussi le Conseil
européen.
Seule cette personnalité jouira en effet de la légitimité démocratique pour
représenter l'Europe au plus haut niveau. Elle pourra aussi réaliser l'Europe
sociale si c'est la volonté des citoyens de le faire.
10.03.2011
Quand les grands pays européens s'entendent pour imposer leur loi aux petits
Par Guy Verhofstadt, président du groupe de l'Alliance des démocrates et
des libéraux pour l'Europe au Parlement européen
Merkel. Monnet. Ces deux noms pourraient et devraient même être les deux
faces d'une même médaille. Hélas, il n'en est rien, tant chacun incarne des
visions différentes, voire contradictoires de la construction européenne. En
fait, à bien des égards, soixante ans plus tard, on retrouve la même vision
divergente qui opposait Jean Monnet à Charles de Gaulle. Angela Merkel, clone de
Charles de Gaulle ? Un comble si l'on songe à ce que l'Allemagne doit à Jean
Monnet et à la méthode communautaire qui lui a permis de devenir la puissance
phare de l'Europe d'aujourd'hui. La chancelière veut-elle donner raison aux
chauvinistes français qui se méfiaient des "revanchards" allemands ?
Considéré comme un des pères fondateurs de l'Europe moderne, Jean Monnet
avait une intuition : pour réconcilier la France et l'Allemagne après la guerre,
non seulement il fallait mettre en commun les principales ressources de
l'époque, le charbon et l'acier, mais aussi élargir ce pacte à d'autres Etats
européens, l'Italie et le Benelux, sur la base d'institutions communes
permettant tant aux grands qu'aux petits pays d'être paritairement parties
prenantes au mécanisme de prise de décisions.
Jean Monnet avait l'habitude de dire : "Nous ne coalisons pas des Etats, nous
unissons des hommes." Et d'ajouter : "Rien n'est possible sans les hommes mais
rien n'est durable sans les institutions." C'est l'invention de la "méthode
communautaire".
Avec l'arrivée au pouvoir de Charles de Gaulle, la France a voulu imposer, au
début des années 1960, une autre approche, la "méthode intergouvernementale",
préconisée par le plan Fouchet (fondé sur la souveraineté des Etats), en 1962.
En substance, les "grands" pays décident, les "petits" exécutent. Ces derniers,
avec le soutien de l'Allemagne, ont mis ce plan à la poubelle et l'Europe s'est
finalement construite grâce à la méthode communautaire, laquelle ne prive pas
les chefs d'Etat et de gouvernement de leur rôle d'impulsion, mais permet de
filtrer les débats à travers un exécutif indépendant des Etats membres et
détenteur de l'intérêt général européen, la Commission européenne. Aujourd'hui
cependant, on assiste à un nouvel assaut des "intergouvernementalistes", qui
s'appuient sur le nouveau rôle institutionnel du Conseil européen.
Initiative de l'ancien président français, Valéry Giscard d'Estaing, et de
l'ancien chancelier allemand, Helmut Schmidt, la création, dans les années 1970,
du Conseil européen n'était pourtant qu'un accident de l'histoire, comme me l'a
raconté lui-même ce dernier. L'idée n'était pas d'instaurer une nouvelle
institution européenne mais de préparer un cadre informel permettant aux
Européens de coordonner leurs positions sur les grandes questions
internationales, à une époque où l'Union européenne (UE) n'avait aucune
compétence en la matière.
Pour l'ex-chancelier, la menace des missiles SS20 soviétiques et la nécessité
pour l'Europe de réagir collectivement à cette situation exigeait un tel
cénacle. Du reste, pendant des années, le Conseil européen n'a rien changé à
l'équilibre institutionnel européen ni à l'approche communautaire.
Cependant, le ver était dans le fruit. La France, qui a toujours eu un faible
pour le concept d'Europe des nations, dans le droit-fil de la pensée gaulliste,
n'a ainsi jamais cessé de promouvoir le Conseil européen, socle de la méthode
intergouvernementale. Et l'Allemagne n'a longtemps jamais cessé de s'y opposer,
privilégiant l'approche communautaire et devenant, de ce fait, l'alliée
naturelle des "petits" pays européens.
Une approche qui s'est d'ailleurs révélée gagnante pour l'Allemagne, dont
l'économie a profité, plus que beaucoup d'autres Etats membres, des progrès de
la construction européenne. Depuis la réunification toutefois, la pensée
allemande a lentement mais sûrement évolué et cette évolution a débouché sur
l'institutionnalisation, grâce au traité de Lisbonne en 2007, du Conseil
européen. De club privé et discret, le Conseil européen est devenu le syndicat
officiel des chefs d'Etat et de gouvernement, avec son président permanent,
lequel ne cesse d'empiéter sur les compétences de la Commission européenne, sans
aucun contrôle démocratique du Parlement européen.
Baptisée "méthode de l'Union" par Angela Merkel, ce coup d'Etat
institutionnel n'est jamais que la restauration de la vieille méthode
intergouvernementale. Et si nous n'y prenons garde, l'Europe et la France ont
tout à y perdre. L'Europe d'abord, qui fonctionne sur la base d'un contrat,
reposant lui-même sur des disciplines et des politiques communes dont les
contraintes sont acceptées par tous, car chacun participe à leur élaboration à
travers le conseil des ministres et le Parlement européen où ils sont
représentés au prorata de leur poids démographique respectif, le tout sous le
contrôle d'une institution indépendante, la Commission européenne, qui veille au
bon respect des règles tant par les "petits" que les "grands" pays.
Cette égalité n'existe plus, ou seulement fictivement, au sein du Conseil
européen où les petits arrangements entre amis font office de procédure. Ainsi
en est-il du pacte de stabilité, maintes fois violé avec la coupable complicité
des chefs d'Etat et de gouvernement et ce malgré les rappels à l'ordre de la
Commission. Combien de sous-marins, de chars et d'avions la France et
l'Allemagne ont-elles vendus à la Grèce avant de s'inquiéter de l'endettement de
la République hellénique, championne d'Europe des dépenses militaires ?
Faut-il acheter des centrales nucléaires françaises ou des machines-outils
allemandes pour être à l'abri de sanctions pour mauvaise gestion des finances
publiques ? C'est pour éviter cette dérive que la Commission européenne a
proposé une réforme du pacte de stabilité, prévoyant un quasi-automatisme des
sanctions. Le président stable du Conseil européen, sans oser contester
l'objectif, préconise, pour sa part, que les chefs d'Etat et de gouvernement
conservent le dernier mot. Autrement dit, un quasi-statu quo. En se ralliant à
la "méthode de l'Union" à l'allemande, Nicolas Sarkozy trahit l'esprit de Monnet
- ce qui est le moindre de ses soucis - avec le sentiment du devoir gaulliste
accompli. Mais le président oublie que son pays n'est plus le même que dans les
années 1960 où, fort de sa puissance économique et politique, il décidait de
tout. Aujourd'hui, la puissance économique et politique de l'Europe, c'est
l'Allemagne, et c'est elle qui impose son tempo et ses thèmes.
L'illustration la plus patente de cette nouvelle donne est le fameux pacte de
compétitivité présenté par Angela Merkel et Nicolas Sarkozy lors du dernier
Conseil européen. Un exercice surréaliste pour le président français si l'on
songe que la mouture originale de ce texte a été conçue, écrite et diffusée
d'abord à Berlin et en allemand. La contribution française s'est limitée à
donner son accord. Car c'est ça le problème de la méthode intergouvernementale :
tout le monde est égal, mais Angela Merkel est plus égale que Nicolas Sarkozy.
Cela ne signifie nullement qu'il faille rejeter les idées contenues dans ce
document, première ébauche concrète d'une véritable politique économique et de
croissance européenne.
Mais si la France, comme d'autres, veut peser sur la définition de cette
politique et sur les mécanismes de sa mise en oeuvre, il est temps de passer la
main à la Commission européenne, garante de l'intérêt général européen et de
troquer la "méthode de l'Union" pour la "méthode communautaire". Car confier les
rênes de l'Europe à la seule Allemagne, c'est prendre le risque d'un douloureux
réveil nationaliste chez ses voisins. Et ce regain nationaliste est bien la
dernière chose dont l'Europe a besoin.
09.03.2011
Conseil européen de mars 2011 : Pour une croissance solidaire en Europe
Lettre du 10 mars aux Présidents
Version IT
EN
M. le Président Van Rompuy, président du Conseil européen
M. le Président Buzek, président du Parlement européen
M. le Président Orban, président du Conseil de l'Union européenne
M. le Président Barroso, président de la Commission européenne
MM. les Présidents,
A la veille du Conseil européen, la majorité syndicale des Institutions
européennes s'inquiète des orientations des mesures de gouvernance économique
qui paraissent être sur la table.
Au nom de la lutte contre les déficits publics, ces mesures renforceraient
une flexibilisation accrue du marché du travail, une réduction des
investissements dans les infrastructures et les services publics et la remise en
cause des mécanismes de solidarité. Elles ne peuvent tenir lieu de politique
économique de l'Europe.
A l'opposé du déclin ainsi programmé des conditions sociales des populations,
l'Europe doit assurer la stabilité économique et sociale de ses citoyens
conformément aux valeurs de démocratie, de liberté économique et de progrès
social qui sont au centre de la construction européenne et du Traité de
Lisbonne.
La majorité syndicale appelle les Institutions européennes à rejeter un
modèle économique et une vision de la société qui font peser le coût des
ajustements de rentabilité des entreprises sur les seuls travailleurs et sur la
réduction des services publics.
Les européens ne peuvent plus accepter les politiques suivies depuis vingt
ans qui ont conduit à la désindustrialisation de l'Europe et à la mise à mal de
son modèle social. Au contraire, c'est par davantage de solidarité que l'Europe
retrouvera sa stabilité et sa croissance économique. Et par là même la confiance
de ses citoyens.
A cette occasion la majorité syndicale des Institutions européennes salue
l'initiative du Parlement européen en faveur d'une taxe sur les transactions
financières qui permettrait une vraie relance des politiques structurelles en
Europe.
Enfin, comme représentants du personnel, nous déplorons particulièrement les
orientations présentées par la Commission allant dans le sens d'une
précarisation accrue de l'emploi et de la baisse des revenus du travail.
Ces mesures paraissent en effet de nature à mettre également en péril les
fonctions publiques, nécessaires acteurs de solidarité dans les États-membres,
et en particulier la fonction publique européenne dont l'efficacité et
l'indépendance garanties par le Traité de Lisbonne doivent pouvoir demeurer au
service de l'intérêt commun européen.
signé
F. Ianniello (R&D)
A. Seller (SE)
D. Mormille (TAO/AFI)
S. Adriaens (S.F.I.E.)
R-P. Koch (CONF-SFE)
P-Ph. Bacri (FFPE)
H. Conefrey / G.Vlandas (RS/USHU/U4U)
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