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Compte-rendu de la Conférence-débat sur les enjeux des élections européennesMr Georges Vlandas a ouvert les travaux de la Conférence en prenant la parole devant un public motivé et remplissant entièrement la salle. Il a remercié les participants pour leur intérêt et a insisté sur l'idée que l'Europe est notre avenir commun. Puis il a présenté brièvement la revue GRASPE et les orateurs du jour, - M. Henri Weber, MPE, membre de la Commission du commerce international et de la Délégation Parlementaire paritaire ACP-UE, membre suppléant de la Commission de l'industrie, de la recherche et de l'énergie, de la Commission des affaires juridiques ainsi que de la Délégation des relations avec la République Populaire de Chine, - M. Kostas Botopoulos, Docteur en Droit Constitutionnel (Sorbonne), ancien député européen, actuellement Président de l'Autorité grecque des marchés financiers, - M. Eneko Landaburu, ancien Directeur Général des Directions Générales REGIO, Elargissement et RELEX, Administrateur et Conseiller spécial du Président de l'Institut Jacques Delors - Notre Europe. Ensuite Mr Vlassis Sfyroeras a pris la parole. Il a également remercié les participants de la part d' « Europe Solidaire » structure coorganisatrice de cette conférence. Il a brièvement rappelé qu'Europe Solidaire est une plate – forme qui s'adresse à tous ceux qui sont intéressés par la politique et l'idée européenne ainsi qu'à l'avenir de notre Union européenne. Il a souligné l'importance du débat et des initiatives citoyennes en cette période de crise et a rappelé les actions passées de "Europe Solidaire". Mr Kostas Botopoulos a parlé en premier. La Grèce et autres pays Européens sont en crise, notamment l'Irlande, le Portugal et l'Espagne. En 2010, la Grèce pays de l'Euro zone et membre de l'Union de longue date, a demandé l'aide de ses partenaires car elle n'arrivait plus à remplir ses obligations face à ses créanciers. La surprise en Grèce et en Europe était totale car un satisfecit venait d'être attribué et on estimait jusqu'alors que la Grèce était en difficulté mais qu'in fine "l'argent existait" (pour continuer comme avant). Ainsi a commencé une spirale de mécanismes de sauvetage qui a abouti à la Création de ISM qui peut aider les états en cas de crise. Ce mécanisme couvre toute l'Europe et est permanent. En fait l'Europe était mal préparée pour ce qui est arrivé. Le plus fondamental était un problème de construction de l'Euro car il était/est une monnaie qui existe sans le pilotage d’une banque centrale. La Banque Centrale Européenne n'est pas un organe politique et n'a pas de compétences sur l'emploi et la croissance. Ainsi elle n’arrive pas à intervenir de manière efficace. Le traité de Lisbonne prévoyait dans son Article 136 une coordination économique, mais elle est restée lettre morte dans la pratique, malgré les progrès qui ont été faits dans la crise. Un deuxième problème qui accentuait la crise était le manque de coordination entre les pays en crise et notamment entre les 4 pays les plus touchés, qui ne se sont pas alliés sur une possible gestion commune de leur problème. La "Troïka" (La Commission, La Banque centrale Européenne et le FMI) avait aussi un problème de coordination. Ses parties n'étaient pas toujours d'accord entre eux. Par exemple en Grèce le FMI était du moins au début de son intervention le moins exigeant des trois (ce qui a été révisé plus tard). En Europe et à la Troïka il y avait deux camps, ceux qui estimaient qu'il fallait aider les "4" et d'autres qui disaient le contraire. L'Allemagne a eu le premier rôle dans la gestion de la crise ce qui est compréhensible par son importance économique et par le fait que les autres pays, notamment la France, lui ont laissé l'espace pour occuper cette place; Dans ces conditions, c'est bien le manque de solidarité qui a caractérisé la gestion de cette crise. Bien sûr l'argent prêté était important (les sommes engagées ont fait qu'il s'agissait du sauvetage le plus cher de toute l'histoire) et bienvenu, mais il y a eu aussi des attitudes méprisantes au niveau de l'Allemagne vis – à vis des pays aidés ce qui a causé des sentiments négatifs envers le gouvernement allemand et l'Allemagne. On se souvient que la Grèce a failli être lâchée, et que c'est suite à une intervention de la Maison Blanche que l'Allemagne et l'Europe ont finalement donné leur appui! Cette "anecdote" démontre bien le grave déficit de solidarité. D'une façon générale, les mesures conçues pour aider les pays (sous forme de Memoranda) avaient des problèmes de "réglage" importants : elles étaient draconiennes, fondées sur une perspective de reprise de la croissance à brève échéance, et leur impact économique et social a été dramatiquement sous-estimé, comme le démontre d’ ailleurs le récent Rapport du Parlement Européen. Des objectifs irréalistes donc, combinés à un pilotage automatique faisant fi des possibilités et des réalités de terrain ont ainsi consacré un problème de gouvernance institutionnelle et une remise en cause d'une construction européenne faite de "petits pas". Des progrès ont été faits pour arriver à une solution de la crise. Mais il faut faire un saut qualitatif en Europe même dans ce contexte de "consolidation budgétaire (i.e. d'austérité). La solution pourrait se trouver dans un ré équilibrage entre austérité et relance (grands projets européens) et dans la perspective d'une Union politique et pas seulement bancaire. Pour conclure, il y a 3 enseignements à tirer de cette crise: 1. Il faut sortir des memoranda rigides et laisser sortir selon leurs modalités propres chacun des pays (Irl, Gr,Pt) des programmes d'aide. 2. Il faut encourager et aider les pays qui font des efforts - leur donner une "prime" - et il faut apporter des corrections aux politiques menées dans ces pays qui ont un coût social et politique exorbitants. Il faut maintenant reconstruire 3. Il faut que les peuples et les politiciens se réveillent. Le temps de l’indignation est révolu, il est temps de faire face aux réalités : 30% de chômage, 30% de citoyens qui vivent en situation de pauvreté et une perte de 30% du PIB, voilà la situation, en Grèce au moins, après 4 ans de crise. Les sociétés ont fait d'énormes efforts et ont pour l'instant résisté, mais il est grand temps de reconstruire et de créer, y compris l'espace politique et citoyen. M. Eneko Landaburu a ensuite pris la parole pour traiter des enjeux des élections européennes. Il a identifié trois enjeux majeurs: Premièrement le taux de participation. En effet les sondages sont préoccupants et montrent un désintérêt des citoyens pour les élections européennes. Si le taux de participation est faible, le Parlement Européen verra son rôle affaibli, et la logique intergouvernementale sera encore renforcée. Or, c’est le Parlement qui permet de donner un visage démocratique à l'Union et c'est son activité qui permet à l’Europe Démocratique d'exister. L’Europe a besoin de la légitimité que conférerait un Parlement élu avec une forte participation. Il faut donc se mobiliser pour inciter les citoyens à aller voter. Deuxièmement il faut dénoncer les partis politiques xénophobes, nationalistes et europhobes qui gagnent du terrain. Si ces partis gagnent, ce sera une défaite pour l’Europe. Il ne faut pas hésiter à démontrer cela et dénoncer sans relâche les conséquences qu'aurait la mise en œuvre des programmes portés par ces partis. Il faut que les forces traditionnelles présentent un « narratif » nouveau sur les perspectives qu'offre l'Europe tant il est vrai que l’Europe est de moins en moins perçue comme porteuse d'espoir. Pourtant l'Europe est plus que jamais nécessaire, aux plans politique et économique, mais aussi pour défendre ses valeurs et son identité dans un monde qui a changé et dans lequel l’Europe pèse moins. Donc si on veut sauvegarder notre capacité à peser au niveau international, par exemple continuer à être dans le G8 qui est le club de ceux qui dirigent le monde, il faut absolument s’unir. Troisièmement il faut apporter des réponses à la situation de crise économique et sociale. Les citoyens s'intéresseront au projet européen si on démontre que par l’Europe on préservera notre modèle de société et on sortira de la crise. Il faut faire le bilan de ce qui s’est passé. L’Europe d'aujourd'hui n’est pas l’Europe qu’on veut. Elle est devenue néolibérale, peu réactive aux problèmes et sans projet social. Donc il faut tirer un bilan clair, dénoncer ces erreurs, les résultats de ces politiques. On ne peut pas faire l’Europe avec des punitions, le chômage et la crise. Une telle Europe est vouée à l’échec, elle creuse sa tombe. Il faut dire clairement que nous devons faire un pas en avant vers une Europe politique qui seule pourra apporter des solutions à la crise que nous traversons. Il s'agit de rompre avec l'intergouvernemental et d'aller vers une gouvernance et une souveraineté plus européenne. Les électeurs doivent savoir quelle Europe on veut : Une Europe plus unie pour aller de l’avant. Il faut aussi une consolidation de l’Euro via une union bancaire et économique, afin de peser davantage dans le monde internationalisé de la finance. Il faut promouvoir l'idée que l’Europe est l'espace pertinent pour protéger ses citoyens, et qu'elle peut mieux les défendre que les États isolés. Enfin, il faut avancer vers l’Europe Sociale. L’Europe doit protéger contre la mondialisation, lutter contre la pauvreté et aider les plus faibles. Il faut refuser le « Dumping » social dans nos pays. Il faut une harmonisation fiscale et sociale (sur l’emploi) un salaire minimal, la coopération pour l’Euro, la protection de l’environnement et la solidarité (les pays les plus riches doivent jouer dans ce sens). En conclusion, rien n’est joué, il faut se mobiliser et proposer un projet politique articulé autour des trois axes que sont la compétitivité, la coopération et la solidarité. Ensuite M. Henri Weber a pris la parole. Il a mis l'accent sur les perspectives d’évolution du projet européen. L’orateur a estimé qu’il y a trois scénarios possibles pour l'avenir de l’Union: - Le Noir : Désagrégation de l'euro, et à terme, de l'Union. Ce scénario était en vogue en 2011. Sa probabilité est maintenant moindre. - Le Rose : L’Europe est réorientée et trouve un nouveau son souffle. Ce scénario est considéré, en ce moment, plutôt -trop- optimiste. - Le Gris : A peu près ce qui se passe actuellement, i.e. Equilibre du Budget et Règle d’or, ou réformes structurelles. Cette ligne est surtout « allemande » et appliquée aux autres Etats de l'UE. On peut agir soit sur l'équilibre des comptes, soit faire des réformes structurelles, mais la poursuite conjointe de ces 2 politiques nous mènera à la stagnation/stagflation comme au Japon. Il faut donc conjurer le scénario Noir et "rosir" progressivement le scénario Gris. L’Europe a connu, sous l'effet de la crise des avancées, que le grand public ignore généralement. Des pare-feu ont été édifiés contre les crises bancaires et des dettes souveraines En matière économique, on a établi des garde-fous et des « lances d’incendies », notamment par l’élargissement des compétences de la Banque centrale européenne; les systèmes bancaires et financiers ont été réformés. La spéculation a cessé quand M Dragui a dit qu’il garantissait toutes les dettes des Etats (rachat des dettes sans limite) et que Mme Merkel a signifié que personne, y compris la Grèce, ne sortirait de l’Euro. Toutefois, il nous faut corriger les erreurs de la construction de l’Euro. Il faut une vraie Banque centrale comme la FED des USA, qui s’occupera de la stabilité monétaire et financière mais aussi de la croissance et de l’emploi. (La FED imprime 85 milliards de dollars chaque mois et a un rôle important dans l’économie et la politique).Il nous faut aussi un véritable budget européen. Les USA ont un budget Fédéral de l’ordre de 25% du PIB et en Europe, alors que l'Union dispose d'un pseudo - budget avec moins de 1% du PIB. Jacques Delors et les promoteurs de la monnaie unique espéraient que l'Union politique et l'intégration suivraient automatiquement l'intégration monétaire, mais cela n'a pas été le cas. Il faut le faire désormais. Le scénario Noir est écarté pour le moment, mais si les choses se passent mal en Espagne (ou en Grèce) il se peut qu’il redevienne d'actualité. De nouveaux risques sont apparus : décomposition des Etats-nations, décomposition du politique, … L'Union et ses Etats-membres doivent mettre en œuvre des stratégies de sorties de crise différenciées. - Les pays excédentaires d'Europe du nord -et en premier lieu l'Allemagne doivent relancer leur consommation intérieure et leurs investissements pour servir de locomotive à l'Europe. De leur côté, les Etats surendettés d'Europe du sud doivent s'engager sur une trajectoire de retour à l'équilibre budgétaire, comme notre gouvernement l'a fait pour nous-mêmes. Mais en étalant ce retour dans le temps, car l'objectif n'est pas de mourir guéri, mais de guérir vivant et plus vigoureux qu'avant 2008. Il faut rallumer le moteur de la consommation. Il faut également relancer l'investissement : investissements dans l’Europe de l’Energie, l’Europe des transports, l’Europe de la nanotechnologie, l’Europe de la recherche etc. etc. Il faut enfin réaliser l’Europe sociale avec un salaire minimum, par exemple 60% du salaire médian dans chaque pays. Lutter contre le chômage, en particulier celui des jeunes et des plus âgés. En ce moment, nous sommes confrontés à deux sortes de clivages en Europe : Gauche – droite et Pro Européens – Anti Européens (xénophobes, nationalistes, populistes etc.). Il faut agir contre la tentative de domination des Anti-européens de tous poils. Nous pouvons nous féliciter de ce que le Président de la Commission sera élu selon les modalités du traité de Lisbonne, (suffrage universel indirect). Les électeurs pourront pour la première fois assister à des débats entre les différents candidats qui incarneront des positions politiques différentes. Ils se rendront ainsi compte qu'ils ont une opportunité de peser sur la future direction politique de l'Union: à eux d'utiliser ce pouvoir. A la fin des ces trois interventions qui ont été bien reçues et applaudies de la part du public, M. Georges Vlandas a récapitulé les points les plus saillants et a ouvert la discussion – débat avec le public. Il y a une crise des Institutions et du politique. Cette crise s'accompagne d'un déficit de dialogue social et d'un manque de projet fédérateur sur lequel se mobiliser. Ce manque est de la responsabilité des élus ou autres responsables politiques qui n'ont pas fait le diagnostic de ces crises financière, économique, sociale et politique. Il faudrait remettre au 1er rang le politique, notamment au niveau communautaire, et dessiner une nouvelle vision pour l'Europe. Les interventions du public ont été nombreuses et peuvent se résumer comme suit : - La protection des consommateurs est également un point à souligner auprès
du grand public car dans ce domaine l’action des instances Européennes est
importante et améliore le quotidien de millions de citoyens. En répondant aux remarques du public les 3 orateurs ont conclu : M Botopoulos : M. Landaburu : M. Weber : M. Georges Vlandas a mis en avant l'idée que la poursuite de la construction européenne, de plus en plus nécessaire, ne peut se réaliser que si l'on tire le bilan critique de ce qui n'a pas marché. Le budget européen est très nettement insuffisant et a été décidé avant les élections européennes en affaiblissant ainsi leur enjeu. La méthode communautaire a reculé au profit d'une approche intergouvernementale, peu efficace, contreproductive. Les politiques de rigueur, voire d'austérité, n'ont pas été compensées par une relance européenne préparant l'avenir. Il y a une crise des Institutions et du politique. Cette crise s'accompagne d'un déficit de dialogue social et d'un manque de projet fédérateur sur lequel se mobiliser. Ce manque est de la responsabilité des élus ou autres responsables politiques qui n'ont pas fait le diagnostic de ces crises financière, économique, sociale et politique. Il faudrait remettre au premier rang le politique, notamment au niveau communautaire, et dessiner une nouvelle vision pour l'Europe. Puis, M Georges Vlandas a clôturé la conférence en remerciant vivement le public, les orateurs et tous ceux qui ont participé à l’organisation de cette rencontre si réussie. Invitation
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