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Conférence n°6

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Compte-rendu

Nous l'écrivons...

Intervention de M. O. Bodin :

Trois points :

• Situation économique et financière de la zone euro
• Le rôle de la Commission dans la coordination des politiques économiques de la zone euro
• Que faire ?

1. Situation économique et financière de la zone euro

Plus de crise existentielle de l’Euro « stabilisé » par politique monétaire, mais crise économique, sociale et politique perdure.

Symptômes de la crise économique :

• Risque de déflation, baisse cumulative prix et production, souligné par FMI. T aux d’inflation en baisse, atteint .5% par an contre objectif 2%.
• Inflation proche de zéro rend très difficile réduction des écarts de compétitivité : exige baisse des salaires nominaux dans pays déficitaires.
• De plus en plus de pays considérés par ECFIN comme présentant des déséquilibres macroéconomiques ou sous programme « Troïka » : 11 en 2012, 13 en 2013, 15 en 2014 en 2014.
• Soutenabilité dette encore à la limite dans quelques pays et sa réduction très coûteuse : (i) Pas d’érosion par inflation; (ii) taux réels positifs dans pays du sud; (iii) croissance faible voire négative du PIB aggrave le poids de l’endettement
• Ecart de compétitivité persistant entre D (Allemagne) et de nombreux autres pays.

Diagnostic:

• Effets politique monétaire/change restent asymétriques : euro sous-évalué pour D et surévalué pour ‘presque) tous les autres.
• Manque de demande, singulièrement au centre
• Défaillance de la coordination illustrée au contraste D vs. F. (France)
• D : croissance tirée par exportations grâce à écart de compétitivité non résorbé accumulé peut se permettre amélioration de son solde budgétaire maintenant excédentaire et une demande interne contenue, ce qui rend plus difficile rééquilibrage des comptes extérieurs à l’intérieur de la zone euro;
• F : Retard de compétitivité et faiblesse exportations, et donc de croissance, voit son déficit budgétaire ne s’améliorer que peu malgré effort d’ajustement structurel du budget équivalent à celui de l’Allemagne entre2010 et 2013. Elle doit laisser jouer les stabilisateurs automatiques pour éviter une récession et atténuer la crise sociale au détriment de son endettement public et au bénéfice relatif de ses partenaires dans la zone euro.
• Coût de l’ajustement par restriction budgétaire asymétrique entre pays créanciers et pays débiteurs ;
• Coût de l’ajustement par « dévaluation interne » (= baisse des salaires) très inégalitaire, car porté par salariés, notamment pays du sud (+ réduction services publics de base)

2. Rôle de la Commission dans la coordination des politiques économiques de la zone euro

• Lisbonne et « six pack » ont placé Commission au centre coordination politiques économiques.

• Commission a en réalité un double mandat : éclaireur, pour montrer la voie de solutions coopératives, « gendarme » avec pouvoir de recommandation et de sanction vis-à-vis des pays pris individuellement

• Pouvoir fonctionne selon méthode qualifiable d’« ultracommunautaire » : (i) Commission peut faire des recommandations de politique économique dans tout domaine qui lui semble pertinent, même si resté dans compétence des Etats-membres selon traité (ii) pas d’approbation par le conseil nécessaire, mais rejet possible uniquement à la majorité qualifiée (« majorité qualifiée renversée »…)

• Encadrement de l’exercice par la Commission du pouvoir de recommandation/sanction :

a. Normes budgétaires inscrites dans traité et législation secondaire
b. « Conviction » que les politiques de l’offre - plus de flexibilité des marchés et mise en concurrence, notamment sur le marché du travail - sont non seulement nécessaires mais aussi suffisantes pour gagner compétitivité et dynamiser la croissance (en ligne avec agenda marché intérieur).
c. Rapport de force au sein du conseil car ce sont les états qui doivent mettre en œuvre les recommandations de la Commission. Ce rapport a évolué comme toujours lors de crises financières au bénéfice des pays créditeurs ;
d. In fine, consentement des populations exprimé par élections nationales/locales et européennes qui dépend fortement du résultat des politiques menées.

• En raison des effets distributifs substantiels du mode d’ajustement dans la zone euro, Commission a une responsabilité politique forte pour préserver légitimité du système par recommandations politiquement et socialement équilibrées.

• Rapport fin 2014 sera une occasion pour nouvelle Commission de tirer toutes les leçons des quatre dernières années, notamment sur les termes d’une solution coopérative qui relance la croissance de la zone euro.

3. Que faire ?

• Revoir paradigme et normes de politique économique : demande globale dans la zone euro et inégalités doivent arriver en force sur le radar de la coordination des politiques économiques.

• Reconnaître qu’un problème a été et est toujours l’absence de coordination des évolutions salariales qui s’inscrivent dans des cadres institutionnels nationaux disparates …

a. Politiques budgétaires doivent devenir plus flexibles pour mieux contribuer aux rééquilibrages internes zone euro. Le critère de 3% a-t-il encore un sens ?
b. Revoir mécanismes de réduction des écarts de compétitivité dus aux niveaux de salaires, actuellement déflationnistes et inégalitaires: salaire minima (en particulier en D) peuvent-ils jouer un rôle ? Quel rôle peuvent jouer les syndicats ?
c. Reconnaître qu’une inflation minimale (plus que 2%) est nécessaire pour faciliter réduction écarts de compétitivité

• Choses bougent déjà : perspective élection européenne salutaire ? Mais nouvelle Commission devra continuer à être à l’écoute de la périphérie, par exemple des premiers ministres et ex-premier ministres des trois pays latins du sud qui demandent aux pays du Nord des politiques qui les aident : pour une austérité efficace en périphérie, moins d’austérité au centre est nécessaire. Effort pour convaincre centre est nécessaire. Commission comme médiateur mieux placé que pays de la périphérie.

• Dégager lorsque nécessaire des solutions financières à la dette de certains pays. Conditionnalité nécessaire d’autant plus acceptable par pays endettés que fardeau de l’ajustement paraîtra équitablement réparti.

• Pas de satisfecit sur Union Bancaire encore possible. Stress tests à venir seront aussi tests de la nouvelle supervision (BCE) et du mécanisme de résolution. Encore quelques banques « too big to fail ». Quid dossier « séparation des activités bancaires » ?

• Avancer au niveau européen non seulement sur dossiers évasion et fraude fiscale, mais aussi concurrence fiscale. Également limiter concurrence sociale et lutter contre fraude en matière droit des travailleurs. Commission et Parlement : jouer un rôle actif pour pousser le conseil.

• Avancer dans la réflexion de la meilleure façon d’organiser les transferts indispensables du centre vers la périphérie. L’Europe ne peut pas regarder sans rien faire que la crise sociale dans les pays du sud s’aggrave de jour en jour. Pas facile car cela doit aller de pair avec soutien de la croissance au centre et gains de compétitivité relative en périphérie, sinon risque que les déséquilibres se creusent à nouveau sans effet sur croissance en périphérie.

Agenda chargé. Mais sa réalisation (et sa communication) est nécessaire pour restaurer la confiance des populations dans le système politique européen et ses institutions. Cette confiance est indispensable pour préparer de nouvelles avancées institutionnelles majeures, comme budget « fédéral » alimenté par impôt propre et dépenses soutenant activement rééquilibrage interne zone euro.

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Invitation

La revue GRASPE et la plateforme pour une Europe solidaire vous invitent à une conférence

Avec le Prof. Dr. Manuel Sanchis i Marco (Faculté d'économie de Valence)

Avec Olivier Bodin (économiste)

L'euro, une monnaie pas si commune...

Mardi 1er avril 2014,

de 12h30 à 14h15,

Auditorium L-102 DG Agri

Entrée libre

Documents

Article du Dr M. Sanchis i Marco : A not very common single currency : past, present and future of the euro

Planches utilisées par le Dr M. Sanchis i Marco durant son intervention: jeu   1   2   3   4   5   6   7   8

Ouvrage du Dr M. Sanchis i Marco : The Economics of the Monetary Union and the Eurozone Crisis

Essai de Michel Aglietta : Zone euro Éclatement ou fédération

Article de M. O. Bodin :

France, Allemagne sous surveillance de Bruxelles : les enjeux européens?

Les média français ont repris en cœur et les éditoriaux ont enfoncé le clou : La France sous surveillance renforcée par la Commission pour insuffisance de réformes et dépassements budgétaires. Faut-il pour autant s’arrêter de penser, regarder la pointe de ses souliers comme un élève pris en faute et le cas échéant pointer « schadenfroh » sur plus cancre que soi (Italie – Le Monde du 12 mars) ?

Les analyses des déséquilibres macroéconomiques affectant la zone euro prennent pour chaque pays la forme d’un document de travail des services de la Commission et d’un document politique de synthèse adopté par les Commissaires. Elles sont importantes : c’est sur elles que vont s’appuyer les ministres des finances pour discuter les politiques économiques de chaque pays. Ces politiques donneront lieu à des recommandations formulées par la Commission, mais qui pourront être rejetées à la majorité qualifiée par les ministres.

Ces analyses sont-elles justes ? Comment en tirer des recommandations pays par pays adéquates et cohérentes, pour sortir la zone euro du marasme dans laquelle elle se trouve? Qu’en pensent les candidats au parlement européen qui sera élu en mai? Qu’en pensent les candidats à la présidence de la Commission ? Autant de questions qu’on aimerait voir traiter dans des débats transnationaux et reflétées dans la presse. Or, hormis le plaisir de hurler avec les loups en relayant avec délectation la réprimande, rien ou presque rien : à peine mentionne-t-on que l’Allemagne est aussi sous surveillance renforcée.

La qualité de la coordination entre la France et l’Allemagne va être cruciale pour l’avenir de la zone euro. Ces deux pays représentent à eux deux près de 50 % de son PIB. Les services de la Commission ne s’y trompent d’ailleurs pas et soulignent les risques forts que font peser la faiblesse de la croissance en Allemagne et en France sur l’ensemble des partenaires. Les pays du sud, non plus : l’appel lancé à Madrid par 4 anciens premiers ministres et deux premiers ministres en exercice de l’Espagne, Italie et Portugal est là pour le confirmer (Le Monde du 8 mars) : leurs populations sont à bout et ils attendent des deux grands pays une attitude responsable favorisant la relance, la solidarité et la cohésion sociale.

Les dosages de politiques économiques dans la zone euro

Rappelons que la zone euro est à la limite de la déflation. Le taux d’inflation, inférieur à 1% (pour un objectif de 2%), y diminue et la croissance reste anémique. Le FMI vient juste de mettre en garde la banque centrale européenne contre les coûts excessifs d’une inflation trop basse pour les pays qui doivent procéder à des ajustements majeurs. Mais à la fois en raison des incertitudes juridiques qui pèsent sur son mandat et de l’absence d’une avancée effective vers l’union bancaire, la politique monétaire atteint ses limites. Le soutien nécessaire à la demande et à la reflation repose aussi sur les politiques budgétaires et les évolutions salariales.

Qu’en est-il donc des orientations de politique budgétaire dans les deux pays qui déterminent le devenir de la zone euro ? En Allemagne, la Commission constate depuis 2010 une réduction du déficit budgétaire de 4,1 point de PIB; l’objectif de 0.35% de PIB retenu dans la constitution allemande en 2016 a été atteint dès 2012 et l’Allemagne dégage maintenant un excédent; il existe un retard dans la mise en œuvre du programme d’investissement public qui ne pourra être comblé qu’au prix d’un surcroît durable d’investissement équivalent à 1 à 1 ½ % de PIB par an. La France – on oublie trop souvent de le dire – a fait depuis 2010 un effort d’ajustement de son déficit structurel équivalent voire légèrement supérieur à celui de l’Allemagne. Mais, compte tenu de la conjoncture, elle n’a pas voulu en rajouter même si son déficit est resté supérieur au critère de Maastricht.

Par ailleurs, plus personne ne doute de l’incompatibilité des mécanismes de formation des salaires nominaux entre les pays de la zone euro. En Allemagne, la conjonction d’un syndicat unique dans chaque secteur et une possibilité de s’en remettre aux entreprises pour conclure des accords salaires/emploi dans un climat de confiance, mais aussi l’absence de salaire minimum et la précarisation des emplois non-réguliers a conduit à une grande modération des salaires au prix d’une forte polarisation entre travailleurs « réguliers » et travailleurs précaires et d’une inégalité de moins en moins soutenable. En France, des préférences sociales et un contexte institutionnel souvent à l’opposé de celui de l’Allemagne ont permis de beaucoup mieux contenir la montée des inégalités et de la pauvreté, mais les augmentations plus rapides de salaires nominaux pèsent sur la compétitivité et la création d’emplois dans le secteur exposé. La diversité est légitime, mais doit être gérée.

Il n’est pas étonnant dans ces conditions que les services de la Commission constatent que « Dans les faits, la France a aidé à dynamiser une demande atone dans la zone euro », et qu’ils suggèrent avec toute la prudence qui les caractérise qu’un surcroît de demande en Allemagne pourrait bien être utile à la croissance dans la zone euro. Dans un tel contexte, il faut se féliciter des déclarations récentes du ministre français Moscovici qui n’entend pas resserrer encore plus que prévu la politique budgétaire même si les objectifs fixés par les règles européennes ne seront pas atteints.

Quelles options ?

Le débat est ainsi ouvert et les options principales peuvent être mises sur la table : quel soutien l’Allemagne pourrait-elle apporter à la demande dans la zone euro par sa politique budgétaire ? Quel ajustement budgétaire pour la France sans risquer de peser trop fortement sur la croissance en France et de ses voisins. En Allemagne, il y a entente au niveau gouvernemental sur l’introduction d’un salaire minimum. Quelle contribution en attendre pour renforcer par une réévaluation interne la consommation et freiner la demande externe ? D’un autre côté, comment la France peut-elle continuer à aménager les coûts salariaux directs et indirects pour regagner de la compétitivité sans risquer une explosion des inégalités ? La baisse des cotisations sociales doit-elle privilégier les hauts ou les bas salaires ? La décentralisation des négociations salariales vers les entreprises, par mimétisme de ce qu’a fait l’Allemagne, est-elle une bonne idée comme le pensent les services de la Commission ? Cette décentralisation ne risque-t-elle pas d’être inopérante, voire contre-productive, dans le contexte français différent sur de nombreux points de celui de l’Allemagne ? Quel investissement en France dans la formation pour intégrer plus vite et mieux les jeunes dans la vie professionnelle ?

Dans le document politique, la réponse suggérée par une Commission en fin de parcours est pour la France - sans grande surprise - la poursuite de la consolidation budgétaire et moins de rigidités sur le marché du travail. Pour l’Allemagne, la Commission se contente d’indiquer qu’il serait bon d’identifier et mettre en œuvre des mesures qui renforceront la demande interne et le potentiel de croissance. Elle ne mentionne pas l’introduction d’un salaire minimum. Typiquement pour cette Commission, la croissance viendrait pour l’essentiel d’une accentuation des politiques de l’offre.

Il est donc vraiment urgent qu’un débat public et transnational s’ouvre et que – comme l’ont demandé les premiers ministres méditerranéens réunis à Madrid – la France et l’Allemagne fassent face à leurs responsabilités tout comme devra le faire la Commission qui va être élue. Mario Monti a raison de demander à la France de cesser de « faire preuve de timidité et d'une révérence nuisible [vis-à-vis de l’Allemagne] ». Et Matteo Renzi a raison de se demander si les économistes de l’Union n’ont pas été remplacés par de « diligents comptables ». L’avenir de la zone euro en dépend. Car contrairement à ce que les services de la Commission écrivent dans le bilan approfondi de l’Allemagne (p. 65 de la version anglaise), dans une zone monétaire les objectifs de politique nationale ne peuvent pas se limiter à promouvoir la croissance et la stabilité à l’intérieur du pays. Selon le Traité (Art. 121), les États-Membres doivent considérer leurs politiques économiques comme étant d’un intérêt commun.

O. Bodin
Économiste, Bruxelles


Page modifiée le 21 juillet 2022

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